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être conséquent, Dante dans son œuvre, ni pourquoi, s’il a voulu représenter la renaissance aussi bien que la réforme, nous n’y voyons pas Léon X ou François Ier à côté de Gustave-Adolphe ou d’Elisabeth ; ce serait critiquer son œuvre en historien plutôt qu’en homme de goût. Nous aimons mieux n’y voir, comme dans l’École d’Athènes, qu’une réunion fictive d’hommes illustres ; mais ce que nous ne pouvons admettre, c’est la combinaison dans le même cadre d’élémens essentiellement contradictoires. En quel lieu sommes-nous ? Au milieu du tableau, c’est le chœur d’une cathédrale ; à droite, c’est un atelier d’artiste ; à gauche, c’est un observatoire de savans. Qui pourra concilier ces décors incompatibles ? Il y a plus : dans toute la composition sont répandus les signes de l’activité, et cependant, lorsqu’on cherche quelle est l’action vers laquelle convergent tous les mouvemens particuliers, il n’y a rien à trouver. Luther, il est vrai, domine tout le tableau ; mais cette Bible qu’il montre à tout le monde, personne ne la regarde, et chacun reste absorbé dans ses occupations personnelles. Est-ce que par hasard il y aurait là un profond symbolisme ? Kaulbach a-t-il eu l’intention de réfuter ces historiens qui soutiennent que le mouvement religieux a déterminé la renaissance, tandis que le progrès des arts et des sciences s’est accompli spontanément et par lui-même ? A-t-il voulu railler cette prétention de la religion d’avoir enfanté tout le bien qui s’est fait sans elle ? Cela serait par trop subtil. De mauvais plaisans ont trouvé autre chose : dans le carton de cette fresque, Kaulbach avait montré Luther tenant la Bible ouverte au-dessus de sa tête ; on prétendit que le tableau représentait une vente publique de livres à l’époque de la réforme. La satire était si bien fondée que Kaulbach lui-même la prit au sérieux et reconnut la nécessité de corriger son œuvre. Dans l’exécution définitive, Luther tient simplement la Bible devant lui, et, pour que toute pensée irrévérencieuse soit écartée, des rayons de lumière partent du livre sacré, détail qui, soit dit en passant, a été à son tour vivement censuré par les critiques réalistes. Il faut donc se résoudre à ne voir dans ce tableau aucune action générale et à le considérer comme un assemblage purement accidentel d’élémens hétérogènes. Tout en jugeant cette œuvre comme répréhensible au point de vue de la conception, il nous semble cependant que ses défauts servent encore à faire ressortir dans tout son éclat le mérite de Kaulbach. Quel talent, il a fallu mettre dans la composition architectonique et dans la forme de ce tableau pour que, malgré ses non-sens, il excite encore l’admiration au plus haut degré !

Nous n’avons pas épuisé la liste des tableaux historiques de Kaulbach ; nous avons dû choisir les plus importans, et nous croyons en avoir dit assez pour bien faire comprendre son rôle dans la peinture