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le chiffre de Manéthon de cinq cents ans, M. Lepsius de quatorze cents. Pour le premier, le commencement de la royauté égyptienne est porté à l’an 4500 ; pour le second, à l’an 3600 avant Jésus-Christ. Prenons ce minimum ; n’est-il pas déjà fort extraordinaire ? Or ce minimum, on a toute sorte de raisons de le trouver insuffisant ; mais bien certainement il n’y a pas un homme attentif et instruit qui puisse songer à y faire de nouvelles réductions.

En effet, la onzième, la douzième et la treizième dynastie (ces deux dernières indubitablement universelles) forment un ensemble d’histoire parfaitement suivi. On voit, au moins sous les deux dernières, l’Égypte, forte, unie, florissante, ayant déjà son centre à Thèbes et en possession de toute sa civilisation. L’origine de quelques-unes des formes classiques de l’architecture égyptienne paraît de ce temps. Le plus ancien obélisque, celui de Matarieh (Héliopolis) est de 2800 ans avant Jésus-Christ. L’ordre architectonique des tombeaux de Beni-Assan, qui semble avoir servi de modèle au dorique, est de la même époque. Les Osortasen et les Aménemha, les Nofréhotep et les Sébekhotep (douzième et treizième dynastie) ressemblent pour la puissance aux Touthmès et aux Ramsès ; plusieurs élémens du Sésostris des Grecs (personnage artificiel composé de pièces et de morceaux) sont empruntés à ces rois. Or ces rois, il faut de toute nécessité les placer de l’an 3000 à l’an 2,200 avant Jésus-Christ. Les monumens de ce temps ne manquent pas. J’ai vu à Thinis les colosses d’Osortasen Ier et d’Osortasen III. À Sân, il y en a de bien plus grands, des Osortasen, des Aménemha et des Sébekhotep. Quoi de plus frappant que ces hypogées de Beni-Hassan, où l’Égypte de la douzième dynastie est en quelque sorte prise sur le fait ? L’agriculture, la navigation, le bien-être domestique ne furent jamais portés plus loin. Dans un de ces tombeaux, le mort lui-même prend la parole et raconte sa vie. Comme général, il a fait une campagne dans le Soudan ; il fut en outre chef d’une caravane escortée de quatre cents hommes qui ramena à Keft l’or provenant des mines du Gebel-Atohy[1]. Comme préfet, il mérita les louanges du souverain par sa bonne administration. « Toutes les terres, dit-il, étaient labourées et ensemencées du nord au sud. Rien ne fut volé dans mes ateliers. Jamais petit enfant ne fut affligé, jamais veuve ne fut maltraitée par moi. J’ai donné également à la veuve et à la femme mariée, et je n’ai pas préféré le grand au petit dans les jugemens que j’ai rendus. » Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est de voir dès cette époque reculée des peuples au

  1. Montagnes près de Suez.