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Syrie, » attribué faussement à Lucien : « autrefois, chez les Égyptiens, il y avait aussi des temples sans images sculptées ! » Et n’étaient-ce pas des édifices comme celui dont nous parlons que Strabon avait en vue quand il dit « qu’à Héliopolis et à Memphis, il y a des édifices d’un ordre barbare, à plusieurs rangées de colonnes, sans ornemens ni dessin ? » Voici un de ces temples primitifs, monument absolument unique et séparé par un intervalle énorme des temples de l’époque classique des Aménophis et des Touthmès. L’extérieur est encore caché par le sable, il est en énormes blocs de calcaire et rappelle beaucoup par le mode de construction la chapelle qui est en face de la seconde pyramide. Il ne faut pas s’attendre, quand on le dégagera, à le trouver d’une belle conservation ; mais une conjecture ingénieuse de M. Mariette, conjecture vérifiée par les fouilles déjà faites, permettra de le compléter. L’entrée des tombeaux de l’ancien empire, en effet, offre, comme nous l’avons déjà dit, la figure d’édicules qui ne sont sans doute que des réductions de façades de temples. Un sarcophage surtout du musée de Boulaq présente cette décoration d’une façon si juste et si précise, qu’A est permis provisoirement de le regarder comme fournissant une image de la façade du grand temple dont nous parlons. Des fouilles ultérieures trancheront la question ; mais il est bien probable qu’elles révéleront sur les blocs de calcaire de grandes lignes verticales terminées en feuilles de lotus et relevées par la polychromie.

Je ne crains pas d’exagérer en disant que ce temple ne ressemble pas plus à ceux de Thèbes et d’Abydos qu’une église catholique d’Espagne ou de Naples ne ressemble au temple de Jérusalem. Qui l’a bâti ? A qui était-il dédié ? Il est permis de répondre à ces questions : C’est Chéphren, le troisième roi de la quatrième dynastie, le successeur de Chéops, qui l’a fait élever. Cela résulte, en premier lieu, de divers rapprochemens singuliers existant entre ledit temple et la pyramide de Chéphren, en second lieu d’une circonstance tout à fait décisive. Dans un puits faisant partie du temple ont été trouvées, entassées et à demi brisées, plusieurs statues en diorite, toutes semblables entre elles, ou à peu près, toutes portant le cartouche de Chéphren. Nul doute que ce ne soient là les statues du fondateur, lesquelles, dans un moment de révolution, auront été renversées et précipitées. Ces statues, dont M. Mariette a fait transporter au musée de Boulaq les spécimens les mieux conservés, sont sûrement les plus anciennes statues datées que l’on connaisse, car le grand sphinx, qui est encore antérieur, mérite à peine le nom de statue. Elles sont exécutées avec une rare habileté ; ce sont des portraits pleins de vie et d’accent.

À qui le temple était-il dédié ? Sans nul doute au sphinx, ou