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le moment où la mort de Germanicus semblait avoir affaibli et désarmé l’empire ; ils eurent beau nouer des intelligences jusque dans les cités de l’Aquitaine et les soulever un instant, envoyer partout des agens dévoués qui rappelaient aux Gaulois la gloire de leurs pères et leur représentaient la lourdeur des impôts et les durs caprices des gouverneurs : dès qu’elle osa montrer la tête, la rébellion fut écrasée chez les Trévires comme chez les Éduens. C’était dans les clairières de la vaste et sombre forêt d’Ardenne (ar-duinn, la profonde) que Florus avait commencé à réunir ses partisans ; mais il n’avait réussi à séduire qu’un bien petit nombre de ces cavaliers trévires, accoutumés à servir auprès des légions, qui auraient pu rendre peut-être la lutte un instant sérieuse. Les troupes ou plutôt les bandes qu’il mit sur pied n’étaient composées que d’un ramassis de gens sans aveu et de quelques cliens dévoués, suivant l’ancienne coutume gauloise, à la fortune de leur patron ; aussi ne tinrent-elles pas un instant devant des détachemens de l’armée de Germanie, envoyés en toute hâte sur les lieux par les commandans romains. Florus se cacha pendant quelques semaines au plus épais des bois. Il y a encore au nord du département de la Moselle et dans le Luxembourg d’obscures forêts dans lesquelles le proscrit ou la bête fauve peut dérober longtemps sa trace au soldat ou au chasseur ; il y a d’impénétrables fourrés d’épine noire où hésitent à s’engager, pour atteindre le sanglier, les chiens les plus ardens, les veneurs les plus passionnés. C’était bien pis alors, quand il n’y avait guère à travers ces broussailles d’autres passages que les étroits sentiers frayés et foulés par le gibier. La haine sut pourtant découvrir la retraite du fugitif ; un autre chef trévire, ennemi personnel de Julius Florus, se mit à la tête des cavaliers envoyés à sa poursuite, et guida leurs pas à travers les halliers et les clairières. Se sentant serré de près, le malheureux Florus se donna la mort de ses propres mains. Presque au même moment, Sacrovir finissait de même à Autun ; il n’avait pas opposé plus de résistance aux légions, et son entreprise aventureuse n’avait pas un instant paru offrir plus de chances de succès.

Malgré ce triste dénoûment, les projets de Julius Florus et de son associé ne périrent point avec eux ; ils furent repris, cinquante ans plus tard, par d’autres Trévires, Classicus et Julius Tutor. C’était pendant que durait l’ébranlement profond causé dans tout l’empire par la chute de Néron. Tandis que d’éphémères césars se disputaient le monde et s’arrachaient l’Italie, tandis que les armées romaines, jalouses et ennemies l’une de l’autre, ne songeaient qu’à faire chacune son empereur qui lui donnât part aux fruits de la victoire, ceux des peuples sujets qui avaient conservé quelque énergie et