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des Germains, ils parurent disposés à combattre à côté de ce qui restait de ces vaillantes armées du Rhin, leurs vieilles compagnes de fatigue et de gloire ; mais les troupes romaines, mal commandées, trahies ou se croyant trahies par leurs chefs, se firent vaincre et reculèrent, tandis que Civilis, par les égards qu’il témoignait, par les promesses qu’il faisait aux soldats et aux officiers gaulois tombés entre ses mains, ébranlait les esprits des Belges et les poussait à la révolte. Cependant Vitellius avait succombé devant les généraux de Vespasien, que les légions, malgré leurs commandans, secrètement gagnés, s’obstinaient à ne point vouloir reconnaître. L’incertitude et le trouble étaient partout, aussi bien chez les défenseurs officiels de l’empire que chez ces sujets à qui Rome ne semblait plus capable d’accorder une protection efficace contre les barbares du nord, contre un Arioviste, contre un Arminius nouveaux.

C’est alors qu’un chef trévire prit une audacieuse initiative, qui pouvait changer tout le cours des événemens. Classicus, c’est le seul nom que lui donnent les historiens latins, était à la tête de la cavalerie trévire. « C’était, dit Tacite, par sa naissance et sa richesse, le premier personnage de sa nation ; il descendait des anciens rois du pays, et sa maison avait fait grande figure dans la paix et dans la guerre ; il aimait à se vanter que, dans sa famille, on avait toujours été plutôt ennemi qu’ami des Romains. » Était-il issu de cet Indutiomar qui avait lutté contre le conquérant des Gaules ? Comptait-il aussi Julius Florus parmi ses ancêtres ? C’est ce que nous ignorons. Toujours est-il qu’aidé par un autre officier trévire, Julius Tutor, à qui Vitellius avait récemment confié la garde du Rhin, il décida les Trévires à la révolte ; Julius Sabinus entraînait en même temps les Lingons. La Gaule belgique, déjà remuée par les prédications et les prophéties des druides, fut bientôt tout entière en armes. Depuis Claude, les habitans de la Gaule chevelue pouvaient recevoir le titre de citoyens romains ; Vitellius, emmenant pour conquérir l’Italie l’élite de ses troupes, avait comblé les vides que son départ laissait dans les légions de Germanie en y versant beaucoup de ces nouveaux citoyens. Un grand nombre de ces recrues étaient peu disposées à tourner leurs armes contre leurs frères et à mourir pour l’honneur, militaire de Rome. La désertion se mit dans leurs rangs ; les légions laissèrent des émissaires de Classicus donner la mort au chef qui essayait de les retenir dans le devoir, et, se sentant serrées entre les Germains et les Belges, entre Civilis et Classicus, elles perdirent la tête, elles se rendirent sans condition, et prêtèrent serment à l’empire des Gaules, devant Classicus, assis sur son tribunal au milieu du camp, en costume de général romain. L’armée de la Germanie supérieure, cernée aussitôt