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manifeste à résoudre ne fût-ce que cette « petite affaire » des duchés, quoi d’étonnant que la diplomatie européenne ait eu une juste méfiance d’elle-même, ait fini par se récuser complètement, alors qu’au mois de novembre 1863 une parole auguste la sommait soudain de régler hardiment et d’un coup les plus grosses affaires du monde, et de « reconstruire sur de nouvelles bases » tout l’édifice de l’humanité ?

« La paix que nous fit avoir l’Europe en 1852 n’a été en réalité qu’un armistice, » disait, dans la séance du rigsraad du 11 mai 1863, l’homme considérable qui avait lui-même, comme ministre danois, pris une part active dans les négociations d’alors. Cette parole de M. Bluhme est à la fois la définition la plus exacte et la critique la plus méritée des arrangemens que couronna le traité de Londres. La guerre était au fond même des stipulations de la paix, dans la fatalité de la situation qu’on venait de créer. Après une expérience si chèrement acquise, le Danemark devait bien naturellement, dans l’intérêt de son salut et de son indépendance, n’épargner désormais aucun effort pour « isoler » le Holstein autant que possible et pour resserrer en même temps les liens entre ses possessions extra-fédérales. Et il était non moins naturel que l’Allemagne se prévalût, elle, du statu quo malencontreusement restauré sur l’Eider, des « éclaircissemens » surtout de 1851, pour empêcher à la fois cet isolement d’une part et cette unification de l’autre, pour se plaindre tantôt de « l’atteinte portée à l’autonomie du Slesvig, » et tantôt pour exiger cette « constitution commune à tous les états du Danemark, » qui devait définitivement asservir « l’état-amiral » à la grande patrie. Ceci bien établi, nous nous dispenserons volontiers d’entrer dans les détails des interminables récriminations de l’Allemagne contre a la perfidie Scandinave, » de ses plaintes au sujet des « violences » exercées dans le Slesvig par les false Danish dogs, ainsi qu’on s’exprimait alors de l’autre côté du Rhin, en empruntant une citation à Shakspeare, apparemment pour mieux toucher le cœur de lord Palmerston. Les mêmes hommes qui, en violation audacieuse des traités, extirpaient l’élément national du grand-duché de Posen et proclamaient le Mincio « une frontière allemande » poussaient des cris de rage à la moindre apparition d’un nouveau pasteur ou maître d’école danois aux environs de Tondern ou de Flensborg. Il importe même de remarquer que le bataillon sacré des défenseurs de la « sainte cause » s’était notablement accru en Allemagne, depuis le rétablissement de la paix, de toute une classe de Holsteinois compromis dans l’insurrection, et qui trouvèrent ensuite dans les divers états germaniques un accueil enthousiaste et même les positions les plus