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de la Germanie et plus favorables au Danemark. Le gouvernement de Copenhague, de son côté, voulut évidemment profiter de la nouvelle tournure des affaires, du tolle diplomatique surtout que venait de soulever, contre M. de Bismark sa fameuse convention militaire, avec la Russie (février 1863), afin de tenter un coup décisif « pour sortir d’une position intolérable, et qu’il ne pouvait prolonger à moins de courir le risque d’une dissolution complète de la monarchie[1]. » Déjà, par un décret du 12 novembre 1862, le roi Frédéric VII avait essayé de rendre l’autonomie du Holstein bien plus complète en établissant un gouvernement local au sein même du duché ; il convoqua l’assemblée législative de ce pays fédéral, afin d’arriver à un arrangement amiable ; mais, selon l’expression même de l’ambassadeur anglais, M. Paget (dépêche du 18 février 1863), les prétentions des états du Holstein, n’allèrent à rien moins « qu’à faire passer dans leurs mains l’administration de toute la monarchie, » Enfin le 30 mars, le gouvernement danois, publia la célèbre patente à laquelle l’Allemagne devait répondre bientôt par un long cri de guerre. La patente n’était cependant qu’à l’adresse du Holstein et lui faisait les concessions les plus larges ; une indépendance législative absolue, un ministère des finances particulier, une armée séparée et formant à elle seule le contingent pour la confédération germanique.

Examinant la proclamation du 30 mars à tous les points de vue, l’ambassadeur anglais, M. Paget (dépêche du 29 avril), arrive à la conclusion « qu’elle n’est ni blessante pour les intérêts du Holstein, ni calculée de manière à placer ce duché dans une position inférieure à l’égard des autres parties de la monarchie danoise. Je crois au contraire que c’est là la création d’un état de choses dont peu de contrées en Europe seraient disposées à se plaindre, et dont le Holstein lui-même devrait être satisfait, si ses pensées se bornaient à ses intérêts légitimes et à son bien-être national. » Et l’ambassadeur ajoutait que, « si la Germanie voulait désormais moins tenir à la lettre des engagemens, elle pourrait faciliter l’amélioration pratique d’un état de choses dont elle s’est si souvent plainte avec tant de véhémence. » La véhémence de la Germanie redoubla précisément à cause de ces concessions mêmes. Ce n’est pas l’autonomie du Holstein que demandaient les Allemands, mais le maintien d’une situation qui leur permît toujours d’intervenir à propos de ce duché dans les affaires de l’état-amiral. Les cabinets de Vienne et de Berlin adressèrent aussitôt à Copenhague (13 et 15 avril) des protestations énergiques contre la patente du 30 mars, et ils en référèrent

  1. Dépêche de M. Manderstroem à M. Wachtmeister du 22 février 1863.