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tout le territoire, sociétés générales ou académies dans les principaux centres de population, congrès électif se réunissant annuellement à Paris, administration centrale ou ministère des sciences, ayant son siège dans la capitale et dirigée par un chef que nomme le congrès. L’association publie un Moniteur universel quotidien ; elle a en outre un recueil mensuel pour chaque espèce de travaux, et par conséquent autant de recueils différens qu’elle établit de spécialités.

Tels sont, dans leurs lignes principales, les projets et les vues qui font l’objet de l’apostolat de M. Meunier. Nous ne pouvons d’ailleurs donner aucune idée de l’accent de conviction qui anime l’auteur, ni de la vigueur qu’atteint parfois son langage. Si nous avons exposé avec quelques développemens ces rêveries scientifiques, c’est qu’on y saisit à chaque instant sur le vif ce procédé qui consiste à grossir démesurément un détail pour en tirer des conséquences fantastiques. Les thèses que M. Meunier soutient commencent souvent par être vraies, puis il les pousse violemment hors de la vérité. Veut-on voir, par exemple, comment une idée pratique diffère d’une conception utopique, on comparera le projet d’association dont nous venons de parler avec celui que M. Le Verrier a réalisé dans le courant de l’année dernière en fondant l’association pour l’avancement de l’astronomie et de la physique du globe. Cette société recrute ses adhérens de toutes parts ; chaque membre, en y entrant, s’engage à amener un nouvel associé ; en vertu de cette clause d’apparence modeste, la France entière, que disons-nous ? le monde entier, doit entrer dans l’association de M. Le Verrier, comme il devait le faire dans celle de M. Meunier. Il n’est pas jusqu’au bulletin international de l’Observatoire qui n’ait un faux air du moniteur social des sciences. Cependant l’association pour l’avancement de l’astronomie et de la physique du globe n’aspire point à fonder un nouvel ordre social ; elle prétend, tout au plus, à constituer une science nouvelle, la météorologie.

Nous en avons fini avec l’utopie de M. Meunier. Aussi bien, dans le domaine des choses réelles, remplit-il une fonction qui ne manque pas d’intérêt. Il s’y charge de redresser les torts. Dans les régions de la science comme dans les autres, il y a des hommes qui souffrent et des hommes qui oppriment ; M. Meunier le dit, et nous le croyons sans peine. Soutenir les uns, attaquer les autres, voilà ce qu’il se propose. C’est là un rôle trop négligé de ses confrères pour qu’il ne soit pas certain de s’y rendre utile, alors même qu’il y mettrait quelque exagération. Il y déploie beaucoup d’entrain ; ses traits dépassent quelquefois le but, mais ils portent souvent. Sa verve gagne le lecteur, et on se sent porté à lui abandonner les gens à qui il distribue des volées de bois vert.

Protéger les inventeurs méconnus est naturellement un de ses premiers soins. On trouve par exemple dans son livre l’histoire d’une machine agricole, d’une piocheuse à vapeur, dont l’auteur est pendant dix ans renvoyé de l’Académie au Conservatoire des Arts et Métiers, du Conservatoire à la