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l’homme dans ces restes anté-historiques, des couteaux, des scies, des poinçons, des bracelets, des amulettes, des poteries travaillées à la main, des cordes fabriquées avec l’écorce des arbres. M. Meunier presse vivement son adversaire et ne le quitte enfin que quand il espère lui avoir fait regretter de s’être trop légèrement encastoriné.

De tout ce qui précède, on pourra conclure que M. Meunier occupe dans la critique scientifique une place utile, et que, s’il s’attaque souvent à des torts imaginaires, il lui arrive parfois de signaler des abus réels. Son exaltation mystique et son tempérament batailleur l’entraînent malheureusement à des excès d’imagination ou de polémique que son talent ne suffit pas à excuser. On aurait une étrange idée du mouvement des sciences et du monde des savans, si on ne s’en rapportait sur ce sujet qu’à M. Meunier.

Avec l’Annuaire de M. Dehérain, nous revenons sur un terrain plus ferme. Nous avons gardé ce livre pour le dernier, parce que c’est celui qui nous paraît le mieux combiné et dont le plan nous semble conçu dans les meilleures conditions. Et d’abord M. Dehérain ne fait pas tout seul son annuaire ; il a raison. La collaboration de plusieurs personnes nous paraît indispensable pour un ouvrage de cette nature. Qui peut se vanter d’être assez encyclopédique pour parler pertinemment de choses tout à fait diverses, pour avoir à la fois une opinion raisonnée sur tous les problèmes de la physique, de la chimie, de la physiologie, de la mécanique appliquée, de l’agriculture ? Nous nous défions de ce savoir d’occasion que les vulgarisateurs déploient sur des questions qui ne leur sont point familières. Ils ont lu avec soin, nous le voulons bien, les derniers mémoires qui ont paru sur la matière qui les occupe ; mais ils n’ont pas tout compris, ils n’ont fait qu’entrevoir quelques côtés du sujet. Comment en donneraient-ils une idée exacte au public ? Les plus étourdis, ceux qui ne doutent de rien, tranchent les questions et commettent de lourdes bévues. Les plus consciencieux, sentant bien qu’ils n’ont qu’une notion imparfaite des travaux originaux dont ils veulent rendre compte, s’avancent prudemment, évitent avec soin les explications trop nettes, se réfèrent dans des termes vagues à des précédens que leurs lecteurs ignorent comme eux-mêmes, et s’esquivent dans un épais brouillard. La première condition pour parler des sciences au public est d’en savoir beaucoup plus long qu’on ne veut en dire. Sans vouloir parquer chacun dans une spécialité trop restreinte, nous aimerions que chacun ne traitât que de cette partie de la science à laquelle sa vie est plus particulièrement consacrée. Il faudrait donc, pour faire l’annuaire que nous désirerions voir paraître, réunir par exemple un physicien connaissant les mathématiques et la chimie, un physiologiste instruit dans toutes les sciences naturelles, un ingénieur qui se tiendrait au courant des grands travaux ; ce serait le moins qu’on dût faire. Nous ne mentionnons pas les autres auxiliaires auxquels on pourrait recourir, un astronome, un médecin, un géologue, un agriculteur, etc. Les rédacteurs se concerteraient entre eux pour coordonner leur œuvre, en fixer l’esprit et