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les lignes principales, éviter les doubles emplois et établir les points de jonction. Rien ne les empêcherait de faire sortir des idées générales de l’ensemble de leurs travaux ; leurs généralisations inspireraient d’autant plus de confiance et présenteraient d’autant plus d’intérêt qu’elles émaneraient d’hommes dont les vues sur chaque question particulière seraient plus sûres. Il serait naturel d’ailleurs qu’un de ces collaborateurs fût chargé de la direction de l’œuvre commune et remplît les fonctions de rédacteur en chef. Voilà un plan qui paraîtra sans doute bien solennel. Il est en tout cas fort éloigné de la pratique actuelle. L’Annuaire de M. Dehérain semble au premier abord répondre à notre désir, mais il n’y satisfait que fort incomplètement. M. Dehérain n’est pas seulement le rédacteur en chef de son Annuaire, il en est presque le rédacteur unique ; la collaboration de ses auxiliaires est plutôt apparente que réelle. Il emprunte à ses amis quelques pages, publiées déjà pour la plupart dans d’autres recueils, quelques-unes intéressantes, la plupart vides ou confuses. Ces travaux juxtaposés précipitamment forment un volume, mais non point un livre. Nous n’y trouvons pas les véritables avantages de la collaboration, quoique nous y rencontrions avec plaisir quelques sujets traités sérieusement par des hommes compétens.

M. Dehérain ne se préoccupe pas d’enregistrer dans son Annuaire tous les faits, grands et petits, qui peuvent former le bagage scientifique de l’année 1864. Il ne prend qu’un nombre restreint de questions et il les traite avec développement. C’est évidemment, en principe, la meilleure méthode à suivre que de présenter les sujets dans leur ensemble au lieu de les hacher en menus morceaux. Nul doute qu’il ne faille choisir ce procédé dans la rédaction d’un annuaire ; mais il offre dans l’exécution un genre particulier de difficultés. Chaque année agite plus ou moins tous les sujets ; il faut que le rédacteur n’en prenne que quelques-uns. Il faut donc qu’il néglige beaucoup de faits, même importans, des travaux, des controverses qui ont éveillé l’attention publique. Il faut du moins qu’il répartisse cette provision entre plusieurs années, car, à moins de se répéter sans cesse, ce n’est qu’au bout de trois ou quatre ans qu’il peut s’occuper de nouveau d’un sujet qu’il a déjà touché. Chaque annuaire particulier présente ainsi des lacunes ; il ne peut en être autrement. Le lecteur le sait, et pourtant il se résigne avec peine à ne pas être renseigné sur tel travail, telle théorie dont il a récemment entendu parler. Nous signalons là une difficulté qui est dans la nature des choses, et nous serions vraiment bien embarrassé s’il nous fallait donner quelques indications générales sur la meilleure manière de la résoudre. C’est au rédacteur de l’annuaire à faire un choix judicieux entre les matériaux dont il peut disposer, tout en conservant autant que possible les bénéfices de l’actualité.

Pour juger en toute connaissance de cause de la manière dont M. Dehérain a résolu ce problème, il faudrait rapprocher son livre de ceux qu’il a publiés les années précédentes ; mais il nous suffit d’avoir indiqué que son