Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/793

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelquefois les plus injustes. La liberté de la presse, soumise au droit commun, n’empêche point aujourd’hui les États-Unis de mener à fin une guerre civile gigantesque. Il est absurde et peu fier de s’imaginer et de prétendre que nous ne savons quelle infirmité originelle et constitutionnelle empêche les Français de supporter une liberté que d’autres peuvent exercer avec un tel succès. Nous le répétons, les accidens antérieurs de la liberté de la presse en France ne prouvent rien. L’impuissance des gouvernemens antérieurs ne saurait nous être opposée comme une fin de non-recevoir. D’ailleurs la liberté de la presse est un problème que les principes de 1789 nous ont imposé. Les échecs des régimes précédens ne nous affranchissent point de la nécessité d’en poursuivre la solution, et tant que nous ne l’aurons point résolu, les principes de 1789 demeureront en souffrance.

Les deux séances du corps législatif qui ont suivi celle où M. Thiers a parlé nous ont montré dans la majorité des dispositions tout autres que celles sur lesquelles nous comptions après les avances si conciliantes de M. Emile Ollivier et les exemples de modération donnés par M. Thiers. Dans l’avant-dernière séance, un mot sur le 2 décembre a été malencontreusement introduit dans le débat par un député de la majorité. Il paraît que dans le tumulte des interruptions un autre mot prononcé par M. Picard, mais qui n’est point arrivé à la publicité, aurait blessé les susceptibilités de la majorité de la chambre. La faute ou le contre-temps est d’avoir gratuitement parlé du 2 décembre. Cette date et l’événement qu’elle rappelle devraient être écartés avec soin des discussions régulières du corps législatif, et nous sommes heureux que ce ne soit point l’opposition qui ait manqué à cet égard à l’esprit de prudence et de convenance. Le gouvernement actuel, c’est son droit et son devoir, exige pour l’état légal et constitutionnel du pouvoir le respect des citoyens et notamment des députés de l’opposition. Cet état légal se rattache à une date postérieure à celle qui était rappelée l’autre jour dans le corps législatif. Pourquoi donc ne pas s’en tenir à la date légale du plébiscite qui a conféré à l’empereur le pouvoir constituant, et remonter à un événement que ceux pour qui il a été le succès peuvent généreusement abandonner aux appréciations de l’histoire ? Ne nous replaçons pas de gaîté de cœur au lendemain du 2 décembre, puisqu’entre cette époque et le présent il y a le 20 décembre. Quand on est dans la régularité d’un régime constitutionnel, il ne faut point invoquer ces actes exceptionnels qui se sont passés au-dessus des lois. César, avant de franchir le Rubicon, avait toujours à la bouche deux vers d’Euripide qu’on peut répéter sans pédanterie dans la traduction latine de Cicéron :

Nam si violandum est jus, regnandi gratia
Violandum est ; aliis rébus pietatem colas.

Nous en sommes maintenant aux aliis rébus, et nous sommes tous intéressés à répéter la devise pietatem colas. Ce premier incident a été suivi