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inférieur est traversé par une longue galerie où peuvent entrer deux trains conduits par des locomotives. Les voitures arrivent des dépôts voisins, où la compagnie de l’élévateur reçoit les blés des diverses lignes de chemin de fer avec lesquelles sa gare est en communication. D’un côté de l’élévateur coule la rivière Chicago, de l’autre un canal qui communique avec la rivière. Les bateaux peuvent ainsi venir se ranger le long de l’édifice aussi facilement que les trains pénètrent à l’intérieur. Quand des voitures chargées de blé y sont entrées, on abaisse la porte latérale des trucs, et le blé roule dans une large rigole qui court tout le long de la voie. Suivons-le dans sa marche. Au haut du vaste bâtiment tourne un axe de fer mis en mouvement par une machine à vapeur de 130 chevaux. Cet arbre de couche porte de distance en distance des tambours où s’applique une large courroie sur laquelle s’attachent des auges. Celles-ci viennent puiser le blé dans la rigole inférieure dont j’ai parlé et l’élèvent à l’étage supérieur. Après quelques tours de roue, le blé est parvenu sous le toit et va se déverser dans une caisse de bois cubique de très grande capacité. Une fois emmagasiné dans cette boîte, il est pesé à la façon des voitures qui passent sur une balance : puis on l’envoie dans un des réservoirs définitifs où se classent déjà des céréales de toute nature et de toute qualité. Dans cette vue, on a mis au-dessous de l’orifice inférieur du réservoir où se fait le pesage un ajutage en bois : cet ajutage mobile peut être à volonté dirigé vers l’un ou l’autre des vingt canaux en bois qui vont se dégorger dans de grandes tours qui remplissent presque tout le corps de l’édifice. Quand on veut faire sortir le blé de l’élévateur, on n’a qu’à l’abandonner à son propre poids ; il vient remplir des sacs à l’étage inférieur ou descend dans les bateaux par des canaux quadrangulaires en bois pareils à ceux que tout le monde a vus dans les moulins. Le fleuve des graines nourricières coule, coule sans cesse, et va se répandre en tous sens dans les états de l’est et vers les ports de l’Atlantique.

L’élévateur que je visitai en détail peut recevoir jusqu’à trois cent mille boisseaux (bushels) de céréales : on pourrait craindre qu’ainsi chargé, le réservoir n’éclatât ; mais les tours de bois sont très solidement construites, et l’édifice entier est entouré d’épaisses murailles de brique. Treize roues élévatrices font monter chacune 4,000 boisseaux dans une heure ; on peut donc emmagasiner pendant ce temps 52,000 boisseaux. L’édifice entier peut se remplir en une demi-journée. On comprend facilement l’utilité de ces gigantesques réservoirs : le producteur y peut apporter à sa convenance une quantité quelconque de céréales ; on la pèse, on la numérote, et il reçoit immédiatement un certificat de dépôt négociable sur le marché de Chicago. La compagnie prélève un droit de 2 cents