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— Venez-vous au nom de la confédération entière, et les promesses que vous aurez faites seront-elles tenues par tous ?

— Oui, nous représentons tous les Aït-Iraten ; la parole que nous aurons donnée, tous y demeureront fidèles.

— Écoutez alors mes conditions. Si vous les acceptez, vous me laisserez des otages en garantie ; si elles ne vous conviennent pas, retournez à vos fusils, nous retournerons aux nôtres, et la guerre décidera.

— Tu es le vainqueur, parle, nous nous soumettrons.

— Vous reconnaîtrez l’autorité de la France et paierez une contribution de guerre de cent cinquante francs par fusil.

— Beaucoup d’entre les Aït-Iraten sont pauvres et incapables de fournir une somme aussi forte.

— Vous ne manquiez pas d’argent quand il s’agissait de fomenter la révolte dans les tribus qui nous étaient soumises : les riches payaient alors pour les pauvres. Vous ferez de même aujourd’hui, il le faut.

— Soit ; nous paierons.

— L’autorité française aura le droit d’ouvrir des routes, de construire des forts dans vos montagnes.

— Oui.

— En revanche vous serez admis sur nos marchés, vous circulerez à votre gré dans toute l’Algérie, et avec les produits de votre travail vous pourrez gagner cette année même de quoi acquitter votre contribution de guerre.

L’orateur kabyle ne répond pas.

— Dès que vous aurez livré vos otages, vous serez libres. On respectera vos personnes et celles de vos femmes et enfans ; on respectera vos biens ; on ne touchera ni à vos maisons, ni à vos arbres, ni à vos champs sans vous indemniser.

Même silence.

— Enfin je ne vous imposerai ni caïds ni cheiks arabes. Vous garderez, sous la surveillance de l’autorité française, vos lois et vos institutions ; vous conserverez vos djemâs dans chaque village ; vous élirez comme par le passé vos amines

À ces mots, les Kabyles de se lever bruyamment ; ce ne sont que gestes, cris de joie, véritables éclats d’enthousiasme. Entrés dans notre camp comme des vaincus, ils allaient rentrer dans leurs villages comme des citoyens. Le premier sceau venait d’être mis à la pacification du Djurdjura.

On se tromperait toutefois, si, dans la libre jouissance laissée aux Kabyles de leur constitution nationale, on ne voulait voir qu’un sacrifice fait par le vainqueur aux idées de conciliation. Le bénéfice