Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 56.djvu/973

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de direction ; or un simple extrait de la règle des khouans de Sid-Abderramau peut suffire à montrer que la base essentielle de l’ordre est l’obéissance aux ordres du mekaddem :


« Le jour où un novice se présente pour être agréé parmi les frères (ainsi s’exprime le texte de la règle), il faut lui adresser les recommandations suivantes, qu’il jurera de tenir secrètes, et auxquelles il promettra par serment de se conformer avec la plus scrupuleuse fidélité :

« Mon enfant, lui dira-t-on, que l’on attitude en présence du mekaddem soit celle de l’esclave devant son roi !

« Le mekaddem est l’homme chéri de Dieu. Il est supérieur à toutes les autres créatures, et prend rang après les prophètes. Ne vois donc que lui et lui partout. Bannis de ton cœur toute autre pensée que celle qui aurait Dieu ou le mekaddem pour objet… De même qu’un malade ne doit avoir rien de caché pour le médecin de son corps, de même tu es tenu de ne dérober au mekaddem aucune de tes pensées, ni de tes paroles, ni de tes actions. Songe que le mekaddem est le médecin de ton âme.

« Garde bien les secrets qu’il te confiera. Que l’on cœur soit à cet égard muet comme un tombeau ! Tu te tiendras sous son regard, la tête baissée et dans le plus profond silence, toujours prêt à obéir à un signe de sa main, à une parole de sa bouche. N’oublie pas que tu es son serviteur et que tu ne dois rien faire sans son ordre. Il t’est défendu de t’avancer ou de te retirer, à moins qu’il ne le prescrive. Obéis-lui en tout ce qu’il ordonne, car c’est Dieu même qui commande par sa voix. Lui désobéir, c’est encourir la colère de Dieu.

« Voue-lui une obéissance aveugle. Exécute sa volonté, quand même les ordres qu’il te donne te paraîtraient injustes. Sois entre ses mains comme est un cadavre entre les mains du laveur des morts, qui le tourne et le retourne à son gré. »


Notre domination dans le Djurdjura repose tranquille sur l’extrème morcellement des unités politiques indigènes ; que n’aurait-elle pas à perdre à ce despotisme d’un seul, qui ferait mystérieusement mouvoir de tels élémens réunis en faisceau ! Les ordres religieux demeurent, on le sait, nos plus ardens ennemis en pays arabe. Ce sont eux qui soufflent, sans se lasser, l’esprit de révolte et qui ont certainement excité l’insurrection dernière ; ce sont eux qui en 1850 envoyèrent dans la Grande-Kabylie l’agitateur Bou-Barla, pour s’opposer pendant quatre ans aux progrès de notre influence. Pourvu qu’ils ne viennent pas apporter encore un obstacle funeste à l’œuvre d’assimilation commencée en Kabylie ! Cheik-Haddad, il faut le dire, ne se montre pas hostile à la domination française : son fils était récemment à Alger, demandant à servir la France. On n’en a pas moins de ce côté à se garder contre un péril ; surveiller sévèrement l’instruction que donnent les zaouias nous paraît un premier remède au mal. Lorsqu’avant la conquête du Djurdjura des soulèvemens ont troublé la Grande-Kabylie au nom de la guerre