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Empêchant Hood de se rapprocher du chemin de fer ainsi que d’Atlanta, Sherman expédia un corps, sous le commandement du général Thomas, vers Nashville, avec ordre d’y concentrer toutes les troupes disponibles, pendant que, revenant sur ses pas avec le reste de son armée, il entreprenait une marche rapide vers Atlanta, détruisant le chemin de fer derrière lui. Le général Hood n’était point préparé à ce soudain changement de front. Ayant fait reposer ses hommes et réduit Atlanta en cendres, Sherman dirigea ses colonnes vers le sud. Les bagages superflus ainsi qu’une partie de l’artillerie avaient été envoyés à Chatanooga et à Nashville.

L’armée, se séparant de sa base et de ses lignes de communication, fut alors divisée en deux ailes : la droite sous les ordres du général Howard, la gauche commandée par le général Slocum. Cette première division était composée des 15e et 17e corps d’armée, sous les généraux Osterhaus et Blair, la seconde des 14e et 20e corps, commandés par les généraux Davis et Williams. Chaque corps était en moyenne de 14,000 à 16,000 hommes ; on avait donc un ensemble de 58,000 hommes. Chaque corps avait également de douze à dix-huit pièces de 12. Le total de l’artillerie, formant cinquante-huit pièces, représentait une pièce par 1,000 hommes. La cavalerie, sous le général Kilpatrick, comptait 5,000 hommes avec huit pièces de canon ; 2,000 wagons, attelés de 6 mulets chacun, complétaient le train ; 200 ambulances étaient chargées du transport des malades et des blessés, ainsi que des approvisionnemens médicaux.

L’objet principal de cette expédition était naturellement de gagner le plus de terrain possible et d’atteindre les côtes au plus tôt, et si l’on prend en considération le manque de bonnes routes, une marche rapide, ainsi qu’on l’entend en Europe, n’était point toujours chose aisée à exécuter. Presque chaque division s’avançait par des chemins différens, formant quelquefois un front qui atteignait cinquante milles de large, ce qui forçait les troupes de traverser forêts et marais, les obligeant à construire des centaines de ces chemins appelés en Amérique corduroy roads et formés de troncs d’arbres disposés les uns à côté des autres, comme les planches du rude parquet des écuries. C’est seulement au milieu de la vase et des marais que l’homme apprécie cette grande abondance de forêts qui caractérise le territoire américain. Les soldats fédéraux, spécialement ceux de l’ouest, montrent au reste une grande habileté dans la construction de ces routes. Cet immense front marchant donnait de remarquables facilités pour fourrager. Un ordre spécial, où se montrait toute la prévoyance de Sherman, expliqua la manière dont l’armée devait fourrager et subvenir à ses besoins.

L’armée quitta Atlanta le 16 novembre, emportant dix jours de rations. L’aile gauche suivait le chemin de fer d’Augusta, qui était détruit à mesure que les troupes s’avançaient ; l’aile droite suivait la ligne de Macon, semblant menacer cette place, l’un des principaux dépôts de l’armée re-