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rement reproductrices que celles que nos ministres des travaux publics ont l’ambition passionnée d’accomplir eux-mêmes.

Faut-il que nous renoncions à notre hypothèse comme à une chimère trop éloignée de la région du réel et du possible ? En vérité, c’est bien plutôt quand nous regardons la réalité que nous croyons rêver. Quoi ! on se résigne à subir tant d’ennuis financiers, on s’expose à des périls que des accidens pourraient rendre très graves, on consent à voir les intérêts économiques de la France souffrir d’une inquiète langueur qui paralyse à un certain degré l’activité de nos richesses, et cela pour une disproportion, très médiocre après tout, qu’on laisse subsister d’année en année entre le revenu et la dépense ! Il s’agit tout au plus d’une somme de 200 millions suivant les uns, d’une somme inférieure suivant d’autres, c’est-à-dire, dans un budget de plus de 2 milliards, d’une misère, que l’on engage en dépenses au-dessus du revenu réel et certain, que l’on couvre avec des recettes accidentelles, incertaines, précaires, et au pis aller avec la dette flottante. On est cependant en présence d’un revenu annuel qui suit une progression constante d’accroissement ; si l’on avait la moindre patience, si pour engager certaines dépenses qui ne forment que la vingtième partie du budget, qui n’ont point un caractère de nécessité inexorable, on voulait bien, au lieu d’hypothéquer d’avance l’augmentation très prochaine du revenu, attendre pendant très peu de temps que cette augmentation fût réalisée, on se mettrait d’aplomb dans cette situation régulière et solide où les dépenses seraient toujours couvertes par des recettes certaines, situation dans laquelle on verrait tout de suite se produire des excédans considérables de ressources dont on pourrait bientôt faire profiter soit les créanciers de l’état par des rachats de rentes, soit les contribuables par des réductions de taxes, soit les travaux publics par des allocations positives. Le problème du rétablissement de l’équilibre financier et de l’affermissement de la confiance nécessaire à l’activité et à la prospérité des affaires se réduit donc à demander un peu de patience, une patience très courte, aux promoteurs ou aux ordonnateurs de certaines dépenses. Il suffirait, pour se mettre à flot, de prendre la résolution de dépenser pour une seule année une centaine de millions de moins, la valeur de la moitié d’un budget extraordinaire ajouté à un budget rectificatif ; il suffirait, en termes de diète médicale, de sauter un repas. Que cela ne soit pas possible, voilà ce qui nous surpasse, et le fait devant lequel nous croyons véritablement rêver.

Il est étrange qu’on ne veuille pas comprendre l’influence heureuse et on pourrait dire magique qu’un bon budget, un budget où la dépense serait couverte par une recette régulière et certaine, exercerait, non-seulement sur la sécurité politique, mais sur la prospérité des intérêts économiques du pays. Nous avons entendu depuis quelques années avancer mille absurdités sur les moyens d’animer les affaires industrielles : les uns atten-