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naturelle à la discussion de la question du Mexique. M. Jules Favre est entré dans le fond du débat avec sa vigueur et son éloquence accoutumées. M. Rouher, suivant son habitude aussi, a fait bonne contenance ; mais il ne pouvait résulter de cette controverse instructive pour le pays aucune conclusion immédiate et décisive. Il n’y a que deux choses possibles : ou bien le gouvernement est résolu à pousser l’expérience jusqu’au bout, ou il se réserve de profiter des circonstances pour combiner avec.les États-Unis quelque plan qui lui permette de se dégager honorablement de cette regrettable entreprise. C’est cette seconde solution que nous avons recommandée depuis le rétablissement de la paix aux États-Unis ; si le gouvernement était enclin à l’adopter, il mettrait dès à présent avec autant de résolution que d’activité sa diplomatie à la besogne, et nous comprenons qu’il se garderait de faire part au public de son dessein et de ses démarches. Que si au contraire on s’obstine à vouloir fonder un empire soi-disant latin à côté de la grande république anglo-saxonne, on se précipite les yeux fermés dans l’inconnu, et le moindre des périls auxquels on s’expose est de charger nos finances pendant une période indéfinie. Dans cette hypothèse en effet, il n’est plus permis de compter sur le prompt rappel de notre armée expéditionnaire, il n’est plus permis non plus d’espérer que le gouvernement impérial du Mexique pourra demander au crédit des ressources qui lui sont indispensables, à moins que la France ne consente à garantir franchement sa solvabilité. Des deux façons on ne peut qu’entrevoir des sacrifices obligés pour nos finances. Qui serait en état aujourd’hui de fixer l’époque où l’empereur Maximilien pourra se passer de nos soldats et de notre argent ? Nous avons entendu dire que notre corps expéditionnaire devra rester au Mexique cinq ans encore. Si une telle assertion sortait d’une bouche officielle, elle ferait bondir le corps législatif et désespérerait l’opinion. Qu’on y songe pourtant : l’empereur Maximilien ne pourra se passer de la protection de nos troupes tant qu’il n’aura pas constitué une armée mexicaine disciplinée, sûre, et qui soit capable de faire respecter son autorité dans toute l’étendue de cette contrée immense. Est-ce trop ou plutôt est-ce assez de cinq ans pour changer complètement les mœurs politiques d’un peuple, pour lui former une armée solide et fidèle ? Soyons raisonnables et justes : si nous abandonnons Maximilien avant que la rénovation du Mexique soit accomplie, ne faisons-nous pas de lui un Iturbide, un Santa-Anna, laissé à la merci de la première conspiration militaire venue ? On ne saurait trop insister sur toutes les issues probables de la question mexicaine, car enfin il serait indigne de nous de nous livrer au hasard en nous fiant à l’imprévu : il faut prendre un parti, quel qu’il soit ; il faut bien que la France sache où elle va et ce qu’elle fait.

Le voyage de l’empereur en Algérie, brillamment conduit, s’est heureusement terminé. Le retour du chef de l’état à Paris a été précédé de l’ac-