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sition d’une commission spéciale, vote un tout autre système que le ministre refuse à son tour. Altercation, gros mots. M. de Bismark a en face de lui un brave homme, un honnête professeur de médecine, M. Wirchow, président de la commission. M. de Bismark le compare à l’homme qui donna le premier coup de marteau sur le navire démoli avant d’être achevé que le parlement de Francfort avait commencé à construire pour doter l’Allemagne d’une marine fédérale. M. Wirchow tient la comparaison pour offensante et y répond par un démenti. Voilà M. de Bismark enchanté ; il se souvient qu’il est major de milice en même temps que ministre ; l’honneur militaire lui prescrit d’obtenir une réparation par les armes ; il propose à M. Wirchow un duel. La chambre interdit à l’honorable député de répondre à la provocation ministérielle, et M. de Bismark se venge en mettant aux trousses de M. Wirchow des agens de police en permanence qui suivent l’honnête docteur jusqu’à la porte de l’hôpital où il va faire sa clinique. Tout cela devient incompréhensible à force de puérilité, d’absurdité, de mauvais goût. Un homme d’état qui a les yeux sur l’Europe et que l’Europe regarde peut-il compromettre ainsi de gaîté de cœur son caractère dans de pareilles misères ? On hausse les épaules. Changeons de spectacle, et nous verrons M. de Bismark agir en homme politique éclairé et distingué : c’est lorsqu’il a la pensée de négocier un traité de commerce entre le Zollverein et l’Italie, et que, se sentant arrêté par les fins de non-recevoir formalistes des petits gouvernemens allemands, qui ne veulent point reconnaître le roi d’Italie, il combat dans une circulaire remarquable une prétention ridicule et contraire aux intérêts ainsi qu’au bon sens des peuples allemands.

Il faut louer le gouvernement italien de n’avoir fait aucune concession aux offensantes pointilleries des princes légitimistes d’Allemagne. Le souverain de l’Italie ne peut dissimuler dans le protocole d’un traité le titre qui lui a été décerné par la nation, et sous lequel la nation a voulu elle-même placer ses actes publics. On concevrait que l’Italie eût quelques condescendances en matière de formes dans une négociation semblable à celle qu’elle poursuit avec le saint-père, dans laquelle de grands avantages moraux peuvent être obtenus au prix de quelques ménagemens pour des scrupules respectables ; mais l’Italie ne doit que le dédain à de petits princes qui affectent de ne point la reconnaître, et qui se piquent d’être plus orthodoxes en fait de légitimité que le chef de leur propre ligue commerciale, que le roi de Prusse en personne.

Aux États-Unis, la pacification est définitivement achevée. La capitulation de Kirby Smith a rétabli l’autorité fédérale dans les états situés à l’ouest du Mississipi qui s’étaient unis à la rébellion séparatiste. La république a maintenant deux grandes affaires intérieures : le jugement de Jefferson Davis et des autres principaux rebelles, et la réorganisation sociale et politique des états reconquis à l’Union. Les procès politiques qui