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chez les peuples barbares des contrées tropicales. Chargée de veiller au foyer domestique, elle y tient une place plus noble et y exerce plus d’influence en raison même de la rigueur du climat et de la longueur des nuits polaires qui obligent l’homme à passer beaucoup de temps sous sa hutte. Elle est douce, bonne, affectueuse et charitable. « La femme, s’écrie M. Hall dans un accès de reconnaissance et après avoir été soigné par une Innuit pendant quelques jours de maladie, la femme est un ange en quelque condition qu’on la trouve. »

On a cherché à savoir si ces sauvages possèdent quelques notions religieuses. A part de vagues croyances à une autre vie par-delà la mort, on ne retrouve chez eux que de rares indices d’un culte. Des magiciens que l’on appelle auprès des malades pour conjurer par leurs sortilèges les progrès de la maladie prélèvent l’impôt de la crédulité sur leurs compatriotes, et vivent sans rien faire aux dépens des autres, exception rare au milieu d’une société si laborieusement occupée à se procurer la nourriture de chaque jour. Les traditions, les coutumes, les usages, ont une grande influence sur le peuple, et chacun d’eux croit justifier les pratiques les plus singulières en disant : « Nos pères ont toujours fait ainsi. »

Peut-être se demandera-t-on quel profit on peut attendre de rapports plus fréquens établis avec les Esquimaux. Le contact des hommes civilisés leur semble jusqu’à ce jour plus nuisible qu’utile. Les baleiniers, qui fréquentent seuls ces régions, y répandent, il est vrai, un peu de bien-être, car ils approvisionnent les natifs, en échange de leurs fourrures et de leur huile, de tous ces petits objets que ceux-ci ne sauraient fabriquer ; le fusil et la poudre remplacent l’arc et les flèches ; mais ne doit-il pas arriver souvent que les baleiniers corrompent ces natures primitives et troublent leurs habitudes paisibles en leur vendant des liqueurs fortes ? Ne verra-t-on pas là, comme ailleurs, la race sauvage disparaître au contact de la race civilisée ? On prétend déjà que le nombre des Esquimaux qui habitent les côtes occidentales du détroit de Davis diminué d’une façon appréciable, tandis qu’au Groenland, d’où les étrangers sont exclus, les indigènes prospèrent et se multiplient.

Y a-t-il au moins quelque intérêt pécuniaire ou commercial qui puisse attirer l’homme blanc dans les régions polaires ? La baleine est le seul produit de ces contrées stériles qui soit de nature à tenter les étrangers, et de plus en plus elle se retire vers le nord, si bien qu’il est permis de prévoir qu’avant un siècle elle se tiendra toujours cachée dans les mers dont les glaces permanentes interdisent l’accès aux navires. Personne ne songe à fonder une colonie dans ces contrées ; les missionnaires eux-mêmes, quoique inspirés