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renouvellent. Si l’on trouve qu’une telle rigueur va mal à quiconque a touché, si peu que ce soit, aux affaires publiques, je dirai que l’expérience au contraire doit rendre sévère pour tous, à commencer par soi-même. Il n’est pas besoin d’avoir été le chancelier Oxenstiern pour savoir quelle petite sagesse gouverne le monde. Et encore elle ne le gouverne pas.

Comment en effet considérer l’époque que raconte M. Duvergier, et presque tous les momens du régime de la restauration, sans voir de tous les côtés des obstacles à peu près invincibles au maintien pacifique du gouvernement et au triomphe du bien public ? Or, je le demande, est-ce là une situation naturelle ? se peut-il qu’il n’y ait de la faute de personne, ou plutôt qu’il n’y ait pas de la faute de tout le monde ?


II

J’ai dit que, de quelque côté que l’on portât le regard, on n’apercevait que des raisons de désespérer de la stabilité du gouvernement. Partout apparaissait l’impossibilité ou du moins l’extrême difficulté de lui assurer assiette et durée. Était-il donc condamné en naissant ? avait-il eu tort de naître ? Je ne le pense pas. Après la chute de l’empire, du moment que, par un acte monstrueux d’intervention, l’Europe armée avait précipité l’empereur du trône, il n’y avait pour la France de choix qu’entre la légitimité présente du roi de Rome et la légitimité passée du frère de Louis XVI. Contre la première s’élevait l’impopularité générale d’une régence accrue par l’impopularité particulière de la régente. Rien de moins national et de moins libéral que le pouvoir d’un enfant qui ne pouvait régner que sous la protection de l’Autriche. Ainsi du moins on en jugeait alors. Le rappel des Bourbons pouvait donc paraître très préférable, pour peu qu’ils eussent le bon sens de se regarder comme les héritiers de la monarchie d’après et non pas d’avant 89. Dussent-ils s’y méprendre, la France était en droit de se croire assez forte pour les désabuser. Spontanée ou imposée, la charte de 1814 vint favoriser ses meilleures espérances, et elle n’eût pas tardé a les justifier toutes sans la calamité du retour de l’île d’Elbe. Après Waterloo, tout devint sombre, incertain, sinistre. Pendant les années qui suivirent, de très louables et de très heureux efforts furent faits pour dissiper les nuages persistans qui obscurcissaient l’horizon, et l’on put entrevoir les lueurs d’un ciel serein ; mais la bourrasque de 1820 ramena les orages, et c’est de ce moment qu’il est devenu difficile, en passant en revue toute la situation du gouvernement et du pays, tous les élémens qu’offrait la composition