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git d’un écrit ou d’un simple dessin industriel, étaient, dès leur apparition, confisqués au dehors et sacrifiés à une odieuse exploitation. Il lui appartenait donc de prendre l’initiative pour signaler aux autres peuples l’abus d’un tel trafic, qui s’exerçait en violation du principe le plus universellement reconnu et du droit le plus sacré. Le premier traité qui engagea la campagne contre la contrefaçon étrangère fut conclu en 1843 avec le Piémont, qui se prêta volontiers à cette œuvre de réparation et de justice. Depuis ce moment, la diplomatie eut ordre de traquer le vol dans ses nombreux repaires, et, grâce à ses efforts, la France est parvenue à faire prévaloir dans la législation internationale la reconnaissance réciproque d’un droit de propriété qui mérite à tant de titres de lui être précieux. C’est avec la Suisse qu’a été passée en 1864 la dernière convention de ce genre, à la suite de longues négociations que rendait difficiles la constitution même de la confédération helvétique, dont tous les cantons, avec leurs droits égaux et leurs intérêts distincts, devaient être amenés à accepter l’engagement contracté par le gouvernement fédéral. Au moyen de cette convention et des traités précédemment conclus avec la Belgique et le Zollverein, on peut dire que la contrefaçon a disparu du territoire européen.

Les récentes négociations avec la Suisse ont fourni à la diplomatie l’occasion de s’employer à la défense du principe de la liberté religieuse. C’est chose à peine croyable, et cependant vraie, que la république helvétique, pays de liberté et de progrès, interdit aux Israélites la faculté de séjourner et de trafiquer sur son territoire. La constitution fédérale est plus rigoureuse à cet égard que la loi de Rome, qui, sans reconnaître les Juifs, les tolère et leur donne asile dans la capitale du catholicisme. Comment s’est établie, comment s’est perpétuée cette tradition singulière sur un sol républicain ? Pourquoi cet ostracisme dans un pays qui a pratiqué l’un des premiers la liberté politique ainsi que l’indépendance individuelle, et qui, dès l’origine de la réforme, a protesté avec tant d’éclat contre l’intolérance de la foi romaine ? C’est ce que nous ne nous chargerons pas d’expliquer. Il existe souvent dans la législation des peuples de ces contradictions étranges entre les principes politiques et les mœurs, et tel pays qui se vante avec raison d’être libre reste soumis par certains côtés à l’esclavage des traditions les plus contraires à la liberté. La Suisse n’est point la seule nation où l’on puisse signaler de semblables contradictions. C’est d’hier seulement que la libre Angleterre a émancipé les catholiques et admis les Juifs à siéger au parlement. L’intolérance protestante n’est pas moins fanatique ni moins exclusive que l’intolérance catholique. L’une et l’autre procèdent des luttes religieuses qui à d’autres époques ont