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désirs, le captif fut ramené à Rome et réintégré dans son ancien logement. Une seule personne se réjouissait publiquement de ce retour, c’était le commandant français du fort Saint-Ange, lequel n’avait pu s’empêcher de pleurer quand on l’avait séparé de son prisonnier. Qu’allait-on faire maintenant de Consalvi ? Il n’était point possible de le retenir seul quand déjà ses compagnons étaient mis en liberté. On décida qu’il serait dirigé sur Naples par la frontière de Terracine. Cela ne faisait point l’affaire des révolutionnaires romains. Les plus violens insistaient pour que l’ancien assesseur de la congrégation militaire fût promené sur un âne et battu de verges au milieu des rues de la capitale. On ne pouvait moins faire pour célébrer d’une façon convenable le triomphe de la nouvelle république, et un si beau spectacle devait assurément réjouir le cœur des véritables patriotes. Consalvi en eut un instant toute la peur. Le chef des troupes françaises, le général Gouvion Saint-Cyr, le préserva de cette avanie. Il ne put lui éviter toutefois le désagrément d’être reconduit jusqu’à Terracine en compagnie de dix-huit galériens[1]. A Terracine, nouvel embarras. Ainsi que Consalvi l’avait prévu, des ordres étaient donnés à la frontière napolitaine pour ne laisser pénétrer dans le royaume aucun des déportés de la république romaine. Au poste de la douane, l’ancien ministre de Pie VI et son escorte de galériens furent reçus, la baïonnette en avant, par les soldats des Deux-Siciles. Les galériens se jetèrent à la montagne. Force fut à Consalvi de retourner à Terracine. Qu’allait-il devenir ? On ne voulait pas l’admettre à Naples ; à Rome, on ne voulait pas le garder, et encore moins lui permettre de se rendre en Toscane auprès du pape. Le cardinal duc d’York, en s’adressant au ministre napolitain Acton, qui était Anglais de nation, parvint, au bout de deux mois, à tirer son ami de cette impasse.

Consalvi, rapproché de son ancien protecteur, le cardinal d’York, bien accueilli du roi et de la reine, ne pouvait souhaiter de résidence plus agréable que Naples, ni de plus conforme à ses goûts. Cela même l’en éloigna : il se sentait appelé ailleurs. A ses yeux, sa place était auprès de son souverain, le malheureux Pie VI. Tel était chez lui le vif sentiment de ce qu’il considérait comme une affaire de convenance et d’honneur, qu’il n’hésita point à s’autoriser

  1. Pour combler un oubli du cardinal et afin de rester juste envers tout le monde jusque dans les moindres détails, ne craignons pas d’avouer qu’après la restauration du gouvernement pontifical le traitement indigne dont Consalvi avait été menacé fut effectivement appliqué a deux hommes considérables du parti révolutionnaire. La populace de la ville éternelle eut le plaisir de voir les sbires de la police pontificale promener à âne par les rues, en les frappant de coups de lanière, MM. Mattei et Zaccaleoni, les deux derniers consuls de la république romaine.