Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

instrument qui était de nature à faire reculer plutôt qu’avancer la négociation. De part et d’autre, on était loin de s’entendre. Avec une rare sagacité, prévoyant les difficultés de la lutte qui l’attendait à Paris, Consalvi s’était fait remettre par le pape, avant de quitter Rome, l’ordre écrit et formel de ne se départir en aucune façon des principes qui avaient servi de base au projet de concordat arrêté dans la congrégation de cardinaux sous la présidence du saint-père. Il était autorisé à concéder quelques points secondaires, mais à la condition qu’ils ne touchassent en rien aux maximes de la religion. L’embarras était de trouver une rédaction nouvelle qui conciliât autant que possible les exigences du premier consul et les scrupules de Pie VII. L’abbé Bernier assurait qu’il ne pouvait rien décider par lui-même, obligé qu’il était d’en référer chaque jour au général Bonaparte. Quant à Consalvi, il ne lui fut jamais permis d’envoyer un courrier pour informer ou consulter le pape, sous le prétexte qu’on devait nécessairement conclure le lendemain. En fait, les conférences durèrent vingt-cinq jours. Le secrétaire d’état de sa sainteté se plaignait beaucoup qu’on ne fît rien pour lui rendre ces négociations moins amères. — L’église ne faisait pas seulement, disait-il, les plus énormes sacrifices d’argent, de territoire, de prérogatives et de droits ; elle avait en outre renoncé à mettre en avant, dans ces discussions, aucun objet temporel. — Jamais en effet Consalvi ne parla en son nom, soit du recouvrement des provinces perdues, soit d’aucune réparation pour les maux incalculables que l’église avait soufferts. Cependant ni cet évident esprit de conciliation, ni ce désintéressement absolu, ni l’empressement à lui donner toutes les satisfactions possibles ne purent décider le premier consul à se relâcher de ses premières prétentions. Afin de faire comprendre à Consalvi que, s’il n’arrivait pas à s’entendre avec le saint-siège, il pourrait bien se retourner de quelque autre côté, le premier consul avait donné aux évêques constitutionnels et aux prêtres assermentés, que d’ailleurs il ne goûtait guère, la permission de tenir à ce moment même un concile à Paris. Consalvi, trop habile pour s’en plaindre, et qui d’ailleurs avait pris le parti d’ignorer absolument l’existence de ce concile, sentait toute la portée de cette menace. Il était plein de troubles et d’angoisses, car, pour le saint-siège et pour lui, le prix de tant de sacrifices qui leur paraissaient si grands, la compensation à tant de concessions qui leur faisaient l’effet d’être excessives, c’était la certitude de l’extinction totale du schisme et la promesse que leur donnait le premier consul, si le concordat était signé, d’abandonner le clergé constitutionnel de la façon la plus solennelle et la plus authentique. Jusqu’au dernier moment, l’envoyé du saint-siège ne se considéra jamais comme