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eût voulu qu’elle ne fût pas favorable, aurait pu, en se répandant le lendemain, tout compromettre. Nous croyons que Meyerbeer vivant se fût opposé à une mesure si complètement en dehors des usages ; mais combien de choses, hélas ! que Meyerbeer n’eût point souffertes, et qui, bon gré malgré, se sont passées ! N’importe, l’épreuve qui pouvait tourner contre le chef-d’œuvre assura d’avance la victoire, et tout Paris savait le lendemain qu’on allait avoir affaire non-seulement à une partition splendide, mais à l’un des plus brillans, des plus fameux succès qui se soient vus à l’Opéra. Toutes les promesses de la répétition générale, la représentation de vendredi les a tenues, et cette partition, qui commence par une scène au moins équivalente à la bénédiction des poignards du quatrième acte des Huguenots, s’est maintenue jusqu’à la fin dans la mesure de progression qu’un si dangereux point de départ lui imposait. Citons, avec cette prodigieuse scène du conseil d’état, le duo et le septuor du second acte, le chœur à double partie sur le navire, tout le quatrième acte, d’une nouveauté, d’une splendeur éblouissantes. Au cinquième, l’orchestre a dû recommencer deux fois la ritournelle de l’air du mancenillier. On n’applaudissait plus, on acclamait. Nous aborderons cette œuvre magnifique aussitôt que nous aurons eu le temps de nous rendre compte à nous-même de nos propres impressions ; mais nous ne voulons pas laisser s’écouler une quinzaine avant de constater au moins le triomphe. De pareils événemens sont, hélas ! désormais trop rares chez nous pour qu’on ne les salue pas à l’instant. L’exécution est remarquablement belle. M. Faure, M. Naudin, Mme Marie Sax, ont fait des prodiges de voix et de talent ; le maître serait content d’eux. Du reste on eût dit que son inspiration animait ce soir-là tout le monde, les chanteurs, l’orchestre, le public. Et le formidable enthousiasme de la salle s’est détendu soudain en une émotion de respect affectueux, presque d’attendrissement, lorsque, après le spectacle terminé, on a vu le rideau se relever sur le buste de Meyerbeer, autour duquel se groupaient, comme en famille, tous ces valeureux artistes encore échauffés des flammes de son génie.

H. B.


ESSAIS ET NOTICES.

UN LIVRE RÉCENT SUR LA POLITIQUE EXTÉRIEURE DE LA FRANCE[1].


L’opportunité pour le gouvernement du second empire d’opter entre les tendances politiques qui se disputent la direction du pays, la néces-

  1. L’Europe et le second Empire, par M. le comte de Carné, de l’Académie française ; 1 vol., Douniol.