Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ensuit pas qu’ils ne soient que des expédions ; c’est la marche naturelle de la perfectibilité d’obéir aux influences qui la sollicitent, et son mérite est précisément d’y pouvoir obéir.

Quoi qu’il en soit, l’acte du 24 décembre, si on l’analyse et si on en déduit les conséquences, contient virtuellement déjà, selon M. de Carné, tout un gouvernement qui ne sera pas, si l’on veut, le gouvernement parlementaire, puisque ce mot semble si fort répugner, mais un gouvernement qui, avec quelques différences, contiendra les élémens essentiels d’un régime libre. Il n’y aurait qu’à laisser courir la sève et s’épanouir cette végétation si longtemps comprimée, pour que le tronc ébranché se ranimât tout entier et reprit son couronnement et son attitude naturelle. La discussion de l’adresse en présence de ministres siégeant au conseil et « donnant aux chambres, selon la teneur même du décret, toutes les explications nécessaires sur la politique intérieure et extérieure de l’empire, » voilà une prérogative rendue qui en rendrait beaucoup d’autres, et qui entraînerait, par les conditions mêmes des choses, le droit du pays de faire prévaloir sa pensée, car « il serait moins blessant pour de grands corps politiques de demeurer, comme ils l’ont été durant dix ans, étrangers au gouvernement et aux relations diplomatiques du pays que de voir leurs indications considérées comme non avenues après avoir été solennellement réclamées. » M. de Carné n’a pas de peine à faire sortir de là, en fait, une responsabilité ministérielle quelconque, alors même qu’en principe les ministres ne dépendent que du chef du gouvernement, — ensuite, seconde conséquence, une position pour eux d’autant plus forte dans le conseil même de l’empereur que leur politique sera mieux soutenue par l’adhésion des deux grands corps de l’état, — enfin, troisième conséquence, une diminution correspondante de la responsabilité du chef de l’état. Si ces conséquences ne sont pas encore réalisées, elles sont désormais dans la nature des choses, elles y sont enveloppées et s’y nourrissent insensiblement par la force même de la perfectibilité. Il ne s’agit donc plus que de laisser une situation virtuelle devenir une réalité explicite : ce sera sans doute l’œuvre de la même sagesse qui, voulant organiser une constitution vivante, lui a donné un principe d’expansion et de croissance, mais à la condition que l’esprit public, lui aussi, par une pression constante, fasse sentir sa présence, son besoin, sa maturité, et qu’on puisse juger, à sa résistance, qu’il peut être un appui.

Jusqu’ici les considérations exposées par M. de Carné en ce qui concerne notre situation intérieure et les virtualités qui l’agitent n’offrent rien que l’on ne puisse accepter comme l’expression du moment présent et de son effort vers l’avenir. Ces bons conseils et ces sages avertissemens sont bien pris au fond des choses et dans leurs lois naturelles ; mais si maintenant nous passons à la politique extérieure, et particulièrement à la guerre d’Italie, qui est l’événement capital du règne, notre accord va cesser, nous