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industries florissantes, la vive et universelle prédication d’une morale et d’une philosophie laïques : croyez-vous que la contagion n’atteindra pas la théologie ? Elle l’atteindra ; peu à peu on adoucira, on interprétera les dogmes, on laissera tomber les plus choquans, on cessera d’en parler. Regardez la France, si bien régie, si obéissante au temps de Bossuet : par le seul contact d’une société pensante, le catholicisme s’y tempérait, s’écartait des traditions italiennes, récusait le concile de Trente, atténuait le culte des images, s’alliait à la philosophie, subissait l’ascendant des laïques fidèles, mais lettrés et raisonneurs. Que serait-ce au milieu des audaces, des découvertes et des séductions de la civilisation contemporaine ! Déplacer ou détrôner le pape, c’est, au bout de deux siècles, transformer la foi. »

Réponse : « Tant mieux. À côté des catholiques superstitieux, il y a les véritables, et nous en sommes ; que l’église se réforme et se métamorphose sagement, lentement, au contact adouci de l’esprit moderne, c’est ce que nous souhaitons. Pour les schismes, ils sont aussi menaçans sous un pape protégé que sous un pape dépossédé ; la puissance qui tient garnison à Rome a le même ascendant sur lui que le prince dont il sera le sujet ou l’hôte. S’il est un expédient qui garantisse son indépendance, c’est le nôtre ; nous lui donnerons la rive droite du Tibre, Saint-Pierre, Civita-Vecchia ; il vivra là dans une petite oasis, avec une garde d’honneur et des contributions fournies par tous les états catholiques, sous la protection et parmi les respects de l’Europe. Quant au danger de réunir les pouvoirs spirituel et temporel dans la main du prince, permettez-nous de vous dire que la chose est ainsi dans les pays protestans, par exemple en Angleterre, et que ces pays n’en sont pas moins libres. La réunion des deux pouvoirs ne produit donc pas toujours la servitude ; elle la consolide dans certains états ; elle ne l’implante pas dans les autres. En attendant, souffrez que nous la repoussions du nôtre, où elle l’établit. S’il y a un péril dans notre plan, c’est pour nous, et non pour le pape : placé au cœur de l’Italie, irrité, il se fera révolutionnaire et travaillera tout le bas peuple contre nous ; mais puisque nous acceptons nos dangers, laissez-nous nos chances, et ne nous imposez pas un régime que vous refusez pour vous. »

— Qu’est-ce donc alors que cette transformation de l’église catholique que vous entrevoyez dans un lointain obscur ? — Sur ce point, les réponses sont vagues. Mes interlocuteurs affirment que le haut clergé italien renferme un assez grand nombre de libéraux, qu’on en trouve même parmi les cardinaux, surtout hors de Rome ; ils citent entre autres dom Luigi Tosti, dont je connais les ouvrages. C’est un religieux bénédictin du Mont-Cassin, fort chrétien et fort libéral, qui a lu les philosophes modernes, connaît