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sonnes agglomérées pour la plupart dans une même localité, et que les mouvemens qui s’y produisent retentissent partout ; son exemple peut en effet calmer ou provoquer des mécontentemens redoutables, et ce n’est pas trop dire que d’appeler la Croix-Rousse le Mont-Aventin des ouvriers français.

A tous ces titres, une étude sur l’administration de la ville de Lyon, dans les vingt dernières années surtout, doit avoir naturellement sa place dans un tableau des transformations que subissent aujourd’hui les grandes villes de France. Comme Paris, où s’agitent tant de questions financières et administratives que nous avons essayé d’indiquer[1], Lyon a obtenu les améliorations matérielles les plus étendues, des travaux publics considérables y ont été récemment achevés, et une lettre impériale du 3 mars 1865, adressée au ministre de l’intérieur, en a prescrit le complément nécessaire. Le moment se présente donc de raconter ces entreprises utiles, de les comparer avec les sacrifices qu’elles ont exigés, d’analyser les budgets où elles occupent une si grande place, d’examiner en un mot quelle a été, dans la dernière période de son histoire, la situation financière, administrative et politique de la seconde ville de l’empire.


I

Malgré l’antique origine de Lyon, c’est à une date relativement récente qu’il faut remonter pour chercher le point de départ des transformations qu’elle a subies. Elle comptait déjà plus de 200,000 habitans en 1793, lorsqu’elle se souleva contre la convention ; mais, à moitié détruite et ruinée par les exécuteurs d’ordres impitoyables, elle dut employer de longues années à retrouver sa fortune première, à reconstruire les maisons atteintes par le canon de Dubois-Crancé et de Kellerman. En même temps donc que, sous le premier empire, les manufactures d’étoffes de soie et de broderies d’or se rouvraient, l’ancienne ville se relevait sur ses vieilles fondations, avec ses rues sombres et étroites au cœur même de la cité, inaccessibles et montueuses dans les faubourgs. Le quartier Saint-Jean, cette antique résidence de saint Irénée, Fourvières, la montagne catholique, se repeuplaient d’établissemens religieux et de congrégations dont les demeures donnent encore à cette partie de Lyon l’aspect d’une Rome française, ardente, mais austère et insoucieuse des magnificences extérieures. La Croix-Rousse, séjour des ouvriers tisseurs, rappela dans ses maisons, avares d’espace et

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1863.