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portantes soient construites par l’état ou par des compagnies : alors tout se transforme, l’activité remplace l’inertie, et la richesse la pauvreté. Le gouvernement turc a fait dans ces derniers temps quelques louables efforts pour les travaux publics. La route carrossable de Beyrouth à Damas, concédée moyennant un privilège d’exploitation de cinquante années à partir de 1859, est maintenant terminée. L’état a décidé la construction d’une autre grande route reliant Alep à Bagdad. Une compagnie anglaise est chargée des travaux du port de Kustendjé, où aboutit le chemin de fer qui rattache le Danube à la Mer-Noire. De nombreuses concessions pour des voies ferrées ont été accordées par le gouvernement. Par malheur, la plupart du temps, les spéculateurs qui les avaient sollicitées n’avaient d’autre but que de chercher à convertir en numéraire le droit de concession qu’ils avaient obtenu. 200 kilomètres de chemins de fer construits ou en voie de construction sur les lignes de Kustendjé à Tchernavoda et de Smyrne à Aïdin, voilà le seul résultat accompli jusqu’à ce jour ; mais le gouvernement a décrété deux nouvelles lignes : celle de Varna à Routchouk, qui contribuerait puissamment à l’amélioration d’une partie de la Bulgarie, et celle de Constantinople à Andrinople, avec deux embranchemens, l’un sur Bourgas dans la Mer-Noire, l’autre sur Rodosto dans la mer de Marmara. Les lignes télégraphiques ottomanes présentent maintenant en Europe et en Asie un développement d’environ 15,000 kilomètres. Le service postal, autrefois soumis au régime des fermes, a été converti récemment en une administration publique. L’usage des timbres-poste a été adopté. Les tarifs ont été réduits ; Depuis 1860, une compagnie française est investie du privilège de l’exploitation des phares, et cent dix feux sont allumés sur le littoral de l’empire. C’est ainsi que la Turquie fait chaque jour de nouveaux emprunts à la civilisation de l’Occident. En 1863, elle ouvrait à Constantinople une exposition agricole et industrielle où était rassemblée une collection variée des produits indigènes, et sur la place At-Meïdan, qui occupe une partie de l’ancien hippodrome de Byzance, s’élevait le palais de l’industrie.

Enfin le commerce extérieur a fait de rapides progrès. Le mouvement commercial de la Turquie avec la France ne s’élevait en 1831 qu’à 31,546,700 fr. ; il atteignait en 1862 une somme de plus de 252 millions. Le 29 mai 1863, M. Layard, parlant au nom du gouvernement britannique, constatait à la chambre des communes que l’importation d’Angleterre en Turquie était en 1831 de 888,684 livres sterling, en 1860 de 5,639,898, et que l’exportation de Turquie en Angleterre, qui, en 1840, ne montait qu’à la somme de 1,387,416 livres sterling, s’élevait en 1860 à celle de 5,505,492. Si la Turquie, entrant avec confiance dans la voie de la grande réforme économique destinée à faire le tour du monde, continue à abaisser successivement ses tarifs, elle trouvera dans l’application des doctrines libérales le secret de la prospérité. Les derniers traités de commerce qu’elle a conclus avec la France et l’Angleterre en 1861, avec la Russie et l’Autriche en 1862, sont un premier pas dans cette direction. Sous le régime antérieur, les marchandises importées en Turquie acquittaient un droit de 5 pour 100, et les produits exportés étaient soumis à des taxes dont le chiffre montait à 12 pour 100 de la valeur. Les nations étrangères avaient un grand intérêt