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pour tous les siens : elle ne participe plus à l’offrande aux morts, ses ancêtres tombent aux enfers, ses enfans sont sous le coup d’une pareille réprobation. On voit que la classe des half-casts n’est pas, du moins pour le présent, un point d’appui solide pour la civilisation britannique, et cependant il est certain que, si l’Inde entière en était peuplée, l’unification des races serait accomplie.

Il reste à savoir jusqu’à quel point cette identification est désirable en supposant qu’elle pût être promptement réalisée. Le système des castes, qui s’y oppose, a été combattu avec une énergie quelquefois violente par les Anglais, soit dans leurs prédications individuelles, lorsqu’un officier ou un civilian ameutait en plein carrefour ou en rase campagne les bons Indiens qui venaient le voir plus encore que l’écouter, soit en grand, lorsque le gouvernement de la compagnie était dominé par l’influence des saints et poursuivait à outrance la destruction des préjugés hindous. Cependant la science européenne marchait : elle imprimait, traduisait ou compulsait, soit en Europe, soit dans l’Inde, les anciens livres sanscrits, et y trouvait l’explication de ces prétendus préjugés orientaux ; elle découvrait l’origine des castes et en suivait les effets à travers les siècles. Les travaux des savans ont sur ce point singulièrement modifié les appréciations du public, et ils pèsent aujourd’hui d’un poids considérable dans les conseils du gouvernement de la reine touchant les affaires de l’Inde. En somme, l’hostilité contre le système des castes s’est affaiblie ; les attaques que l’on dirigeait contre elles se sont calmées ou ont pris d’autres directions. La science a démontré que la caste (varna) a été un établissement naturel, qu’elle a eu pendant un grand nombre de siècles les plus salutaires effets. Elle tire son origine de l’invasion des Aryas dans l’Inde au temps où furent composés les hymnes du Vêda. A leur arrivée dans ce pays, ils le trouvèrent occupé par les races inférieures qui peuplent encore le sud et l’orient de l’Asie. D’après les hymnes védiques, ces populations étaient dépourvues de civilisation ou du moins n’en possédaient pas les parties les plus hautes, c’est-à-dire la religion, la science et tout ce qui dérive de ces deux sources. Ces hommes grossiers, au nez épaté comme celui du bœuf, aux bras courts, à la peau jaune ou noire, remplissaient toute la contrée de hordes barbares habituées à manger de la chair crue et n’ayant aucune notion du principe supérieur des êtres. Les Aryas à la peau blanche, à la haute stature, au beau visage, à l’âme noble et à la pensée méditative, venaient en petit nombre, repoussant lentement devant eux les troupes de sauvages ou les soumettant à leur domination. Ils eurent pour elles la même aversion qui nous sépare aujourd’hui des nègres de l’Afrique, et qui a fait maintenir leurs descendans à un niveau si bas dans tous les états américains. Com-