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due jusque sur l’île de Ceylan ; c’est elle qui a inspiré le Râmâyana. Par elle, les Aryas étaient devenus possesseurs des terres, maîtres et seigneurs des indigènes ; ceux-ci tous ensemble étaient compris dans la caste des çâdras. Par des causes que nous ne connaissons pas, les xattriyas abandonnèrent le sud pour retourner dans l’Inde centrale, plus fertile et d’un climat plus doux. Au temps des prédications bouddhiques, les indigènes du sud et de Ceylan, quoique compris dans la constitution sociale du brahmanisme et soumis à la loi de Manou, étaient plongés dans la barbarie, n’avaient plus de leurs conquérans qu’une notion très vague et n’avaient conservé de la religion aryenne que des divinités et des superstitions de plus. Aujourd’hui on les retrouve encore les mêmes : il n’y a plus au milieu d’eux un seul xattriya ; ils sont sous la direction religieuse d’un petit nombre de brahmanes, devenus par l’influence des milieux presque aussi ignorans et aussi superstitieux qu’eux-mêmes.

Ainsi les populations indiennes offrent un spectacle très varié. Tandis que les hautes classes sont monothéistes et adorent Dieu sous les noms de Brahmâ et de Vichnu, le bas peuple est livré au culte de Çiva et de la grande-déesse Durgâ ou Parvatî, ainsi qu’à l’adoration d’un nombre infini de déités inférieures ; ce sont elles qu’on voit régner presque uniquement dans tout le pays compris entre les Mahrattes et le golfe du Bengale. Plus au sud, dans la présidence de Madras, dans le Nizam, le Maïssour et le pays de Pondichéry, les prédications catholiques ont converti un certain nombre d’indigènes ; mais ces chrétiens sont, comme au sud de l’Égypte, chrétiens de nom, païens et idolâtres en réalité : Jésus, Marie et les saints n’ont fait que grossir de nouveau la foule de leurs dieux ; les prêtres qui les instruisent sont en majeure partie nègres ou mulâtres, ignorans et misérables, aussi incapables que leurs ouailles de s’élever au-dessus d’une certaine moralité et de concevoir aucune notion théologique. Ces indigènes n’ont été jusqu’à présent qu’assez peu transformés par l’influence chrétienne.

Il n’est pas impossible néanmoins de faire parmi eux des progrès qui coïncident avec l’accroissement de bien-être que leur procurent la culture du coton et la sollicitude du gouvernement de la reine. S’il est bien difficile aux missionnaires d’aborder la société indienne par le haut, ils peuvent commencer par le bas sa transformation religieuse, et c’est ce que prouve le demi-succès des missions catholiques dans le Carnatic et le Malayalam. Le nombre des hommes de caste inférieure qui ont adopté le catholicisme dans cette région de l’Inde s’élève, dit-on, à plus de cent mille, malgré l’abandon où on les laisse et le peu de secours que les missionnaires et les évêques du pays reçoivent d’Europe, car il faut bien le dire,