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LE
SALON DE 1865

La mort depuis quelque temps ne s’est point montrée clémente pour les peintres dont les travaux avaient valu à l’école française une supériorité qui va s’effaçant de jour en jour. Nul encore, parmi les artistes actuels, n’a remplacé les maîtres regrettés qui ont laissé des exemples demeurés infructueux. Hippolyte Flandrin a été appelé vers les régions inconnues, où il a peut-être trouvé la confirmation des rêves religieux qui avaient soutenu sa vie et donné à son talent, naturellement un peu froid, quelque chose de mystérieux, de convaincu et d’honnête dont il paraît avoir emporté le secret avec lui dans la tombe. S’il y eut des peintres d’un tempérament plus riche, d’une imagination plus généreuse, d’une exécution plus brillante, il y en eut peu, en revanche, qui eurent pour l’art un respect plus profond ; lors même qu’il se trompa, il se trompa avec conviction, avec déférence pour les grands principes du beau éternel, et jamais il n’abandonna un travail, si peu important qu’il fût, avant de l’avoir amené au degré de perfection dont il était capable. En quittant cette vie, qui n’avait été pour lui qu’un long et courageux labeur, il put avoir la joie orgueilleuse de dire comme Horace : Non omnis moriar ! Son œuvre ne périra pas ; quelques-uns de ses portraits resteront comme des toiles de premier ordre, et le Christ entrant à Jérusalem, qu’il a peint dans l’église Saint-Germain des Prés, méritera toujours d’être comparé aux meilleurs tableaux de sainteté que la renaissance nous a légués. Un autre homme, qui avait compris l’art d’une manière toute différente, nous a quittés aussi pour toujours. Troyon est mort le 20 mars, au moment où le printemps, qu’il avait tant aimé, arrivait sur l’aile d’un