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étroits et froidement positifs, il sera évident par cela même que les délits contre la propriété, qui menacent ou troublent directement cette sorte de bien-être, deviendront l’objet d’une répression très sévère, tandis qu’il en sera autrement pour les délits contre les personnes, surtout lorsqu’ils ne sortiront pas de cet ordre moyen où des offenses fort graves en elles-mêmes au point de vue de la moralité ne menacent pas cependant d’une manière trop éclatante la sécurité individuelle. Où serait en effet à ce point de vue, peut-on se dire et ne se dit-on que trop, où serait la nécessité de tendre son effort jusqu’à la plus âpre vertu, et pourquoi ne pas s’en tenir, sans trop de souci, à une répression telle quelle, mais cependant toujours fort tempérée ? Cela est d’autant plus commode qu’en pareil cas on peut toujours, et on n’y manque guère, couvrir sa faiblesse de ces semblans d’humanité ou de philanthropie, sorte de monnaie courante dont peut-être on ne fut jamais moins avare !

C’est donc en descendant cette pente si facile que la répression elle-même vient se placer sous le niveau fatal de je ne sais quelle mollesse chaque jour et en toutes choses plus fortement accusée ; mais vienne un de ces grands crimes contre les personnes qui portent au loin l’épouvante, à l’instant même et par suite de la même impulsion, on verra l’instinct du danger se dresser dans toute sa force, d’autant plus impitoyable sans doute que l’égoïsme est plus profond. Aussi peut-on être certain que dans ce cas la répression atteindra toujours la plus extrême limite ; M. Bonneville en fait la remarque à l’occasion des vols suivis d’assassinat et des empoisonnemens. Les condamnations pour ces sortes de crimes, qui n’avaient été, de 1826 à 1840, que de 21, se sont élevées à 33 de 1841 à 1850, et en 1859 elles ont atteint le chiffre de 51.

Ce premier aperçu sur le mouvement de la criminalité et de la répression, tiré de la disposition des esprits, suffit bien, ce me semble, pour expliquer comment et pourquoi la répression est en général et comparativement plus sévère pour les délits contre la propriété que pour les délits contre les personnes. Quelle que soit au demeurant la proportion numérique entre ces divers délits, toujours est-il qu’ils ont pris dans ces derniers temps un accroissement dont il y a lieu de s’inquiéter ; que sera-ce donc si l’attention se porte sur les récidives, dont le rapport direct avec l’efficacité, soit préventive, soit moralisatrice des divers modes de répression, est sans contredit d’une bien plus grande évidence ? Le nombre des récidives, qui n’était en 1851 que de 28,548, a été en moyenne de 47,600 pour les années 1861, 62 et 63. Il résulte en outre des derniers tableaux que parmi les récidivistes 12,000 avaient été précédemment condamnés aux travaux forcés, à la réclusion ou à un emprisonnement de plus d’un an ; l’on en conclut fort justement que du moins