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quelques traits parmi ceux qui touchent directement à mon sujet. Ainsi lord Bathurst, alors membre du cabinet, disait déjà en 1819 que « la terreur qu’inspirait d’abord la déportation diminuait d’une manière générale, et que les crimes s’accroissaient dans la même proportion (they have increased beyond all calculations)… » En 1832, une commission parlementaire affirmait à son tour que « la peine de la déportation en Australie ne suffisait pas pour détourner du crime, qu’on a vu des exemples de crimes commis dans le seul dessein d’y être envoyé, et enfin que tous les efforts tentés pour arrêter l’accroissement rapide et progressif des crimes, soit en amendant les lois, soit en établissant une police plus active, avaient été impuissans. » M. l’amiral Laplace, qui dans son voyage de 1831 autour du monde avait vu les choses de près, le vénérable Barbé-Marbois, d’un esprit si élevé et si judicieux, plus tard MM. de Tocqueville et G. de Beaumont, et enfin M. Jules de la Pilorgerie dans son beau travail sur Botany-Bay, n’avaient pas hésité à frapper le système pratiqué en Australie de la même réprobation. Ce système résista néanmoins longtemps encore à toutes les attaques, quoique l’on fût chaque jour de plus en plus convaincu qu’il était infecté d’un vice fondamental et irrémédiable ; malheureusement tel est le sort de cette question, que c’est précisément lorsqu’apparaît le plus clairement l’urgente nécessité de la résoudre que l’énergie fait défaut, et qu’on ne sait guère que l’éluder. Ce n’est donc qu’en 1847 que sir George Grey proposa de substituer à la déportation un système nouveau, d’après lequel les condamnés devaient subir toute leur peine en Angleterre et puis émigrer, une fois la peine subie.

Sir George Grey répondait ainsi du même coup aux deux difficultés de la situation : par la détention en Angleterre, il espérait restituer à la peine une force d’intimidation que la transportation ne comportait pas ou ne comportait plus ; par l’émigration après l’accomplissement de la peine, il voulait prévenir le danger d’une trop grande accumulation de libérés sur le sol du royaume-uni, — grand danger assurément, comme on ne le voit que trop aujourd’hui. Sa proposition fut, sous ce dernier rapport, gravement modifiée par la loi du 6 août 1853, qui se résume dans les points suivans : 1° neuf mois de cellule absolue, 2° un certain temps de travail en commun dans une maison de détention, 3° le droit pour tout condamné d’obtenir la remise provisoire et conditionnelle d’une partie de la peine au moyen d’un ticket of leave (licence de liberté) qui l’autorise à travailler dans les colonies, ou même dans le royaume-uni, en état de liberté provisoire. Une circulaire de lord Grey, du 29 juin 1857, régla les divers degrés de la remise facultative de la peine : un sixième pour une condamnation de trois ans, un cinquième pour cinq ans, un quart pour six ans, un tiers pour quinze et plus.