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l’abolition des circonstances atténuantes ; le système de la détention en commun reste avec tous ses dangers. Derrière ce système, pour qui sait et veut voir, il y aura toujours la vieille et intraitable perversité des malfaiteurs, seulement plus ou moins doublée de colère et d’hypocrisie. Si tout cela est vrai, n’est-on pas irrésistiblement attiré vers un système nouveau, et ce système ne doit-il pas être ou plutôt n’est-il pas nécessairement l’emprisonnement cellulaire ? Il le faut bien, car ce n’est pas arbitrairement, mais sous l’influence directe et nécessaire des faits que la question se pose ainsi. Le moment semblerait donc venu d’étudier très attentivement les élémens essentiels et les diverses conditions de ce nouveau système, et de reprendre ainsi une œuvre violemment interrompue. Peut-être doit-on cependant se demander si, pour aborder avec plus de succès cette étude, il ne conviendrait pas d’attendre que les questions incidentes qui peuvent en ce moment entraver ou ralentir le mouvement de la réforme, celles précisément que nous venons de parcourir, soient mieux comprises et surtout plus sagement résolues. Il y aurait à procéder ainsi, je crois, quelque opportunité. Puis ne peut-il pas se faire, et quant à moi j’y compte beaucoup, que les excitations, chaque jour plus vives, du sentiment public, en marquant plus distinctement le but, deviennent à la fois un signe favorable et un puissant encouragement ? Sous une pareille impulsion, les œuvres marchent vite et tendent plus sûrement à leurs fins. Ceci se sent et se comprend à merveille. Est-ce à dire cependant qu’il faille jusque-là s’en tenir à un silence profond, et n’y aurait-il pas au contraire une grande convenance, sinon même une véritable utilité, à reprendre et à débattre sans cesse cette question ? Je le crois. On voudrait d’ailleurs s’abstenir que ce serait impossible. C’est qu’en effet, pour peu que l’on touche à ce sujet, le système cellulaire sait y faire aussitôt sa place. Ainsi, à ne parler que de M. Bonneville, que de fois, quoiqu’il semble s’en éloigner en ce moment, ne peut-on pas surprendre même dans son dernier ouvrage, et à ne pas s’y tromper, l’expression furtive ou involontaire d’un très vif regret et peut-être d’une véritable prédilection ! Je me bornerai à citer ce peu de mots : « Quoi qu’on puisse imaginer et tenter, on ne fera jamais de nos prisons en commun des sanctuaires d’épuration morale, des écoles de vertu et d’honneur ; ce résultat n’eût été, dans une certaine mesure, possible qu’avec le régime cellulaire, dont, ajoute-t-il, nous avons malheureusement abandonné l’idée, faute d’avoir su la réaliser dans des conditions convenables d’économie et d’humanité[1]. » L’aveu est

  1. Tome II, page 34.