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le grand jour du Salon, c’est une publicité sans limites, au lieu de cette lumière restreinte qui l’éclairé aujourd’hui et de cette hospitalité domestique dont quelques privilégiés seulement sont appelés à recevoir la faveur. Quelle plus opportune et plus utile leçon qu’un pareil exemple, s’il était donné sur la place publique en quelque sorte, au milieu ou plutôt au-dessus de la mêlée où s’entre-choquent les intérêts et les partis, au milieu de tant d’efforts en sens contraire pour tirer à soi un lambeau de succès, pour conquérir vaille que vaille une notoriété éphémère ? Quel plus sûr moyen de ramener ceux qui s’égarent, de faire vraiment acte de maître, c’est-à-dire d’assurer le triomphe des grands principes qu’on représente et la défaite des petites doctrines, des petites ambitions qui s’agitent ou se prélassent là où elles trouvent le champ libre et l’opinion disposée à les accueillir, faute de mieux ? Certes, au degré de gloire où il est depuis longtemps parvenu, M. Ingres n’a que faire d’un nouveau succès personnel. Une victoire de plus remportée au Salon ne saurait rien ajouter aux respects unanimes qui environnent son nom ; mais, en dehors d’un surcroît de célébrité inutile ou impossible, cette victoire pourrait avoir des conséquences fécondes. Elle enseignerait aux uns, elle rappellerait aux autres à quelles conditions et en vertu de quelles lois l’art s’élève au-dessus d’une industrie futile. En réduisant à leur juste valeur, par l’éloquence du contraste, les tours d’adresse ou les fantaisies pittoresques dont nous consentons parfois à être les dupes, elle en anéantirait l’influence présente et en discréditerait l’imitation pour l’avenir. Les bons exemples en matière d’art ont leur contagion, comme les exemples décevans ou malsains. Il ne suffit pas, je le sais, d’un chef-d’œuvre pour en susciter d’autres, il ne suffit pas qu’un grand artiste se produise pour que des rivaux à sa taille surgissent instantanément autour de lui. Toutefois, que ce chef-d’œuvre apparaisse et que ce maître vienne à nous, c’en est assez pour que les usurpations soient par cela même combattues et démasquées, pour que le courage soit rendu à ceux qui n’osaient s’engager ou qui faiblissaient dans la lutte ; c’en est assez pour que les esprits en quête du bien trouvent un guide, les croyances qui se forment un élément de conviction, et les opinions qui chancellent un point d’appui.

HENRI DELABORDE.


UNE CARTE DE L’AFRIQUE ROMAINE[1].


En parcourant certaines parties de l’Algérie, on rencontre de nombreux vestiges de la domination romaine : ici un mur d’enceinte à puissantes assises, là un aqueduc dont il ne reste plus que quelques arches qui se pro-

  1. Carte de l’Afrique sous la domination des Romains drossée au Dépôt de la guerre, d’après les travaux de M. F. Lacroix, par M. Nau de Champlouis, capitaine au corps impérial d’état-major. Paris, Imprimerie impériale, 1864 ; deuxième tirage, 1865.