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Tel fut en gros le langage que l’on tint à Tubingue ; mais s’il fallut avouer que les objections alléguées contre le système de M. de Bunsen étaient très fortes, on dut pourtant reprocher aux célèbres critiques des bords du Neckar d’avoir conclu un peu trop hâtivement du passage de Photius que Caïus était l’auteur du traité intitulé le Labyrinthe. Examiné de près, ce passage signifie seulement que l’auteur du Labyrinthe est aussi celui du traité De l’Univers, que le Labyrinthe a été attribué à Caïus, mais que Photius lui-même ne se porte en aucune façon garant de cette opinion, qui lui paraît douteuse. Malgré les objections de Tubingue, la balance ne cessa donc pas de pencher en faveur d’Hippolyte, bien que plus d’un nuage planât sur sa personne et son livre. Du reste, que l’auteur fût Hippolyte ou Caïus, les révélations à charge des deux évêques Zéphyrin et Calliste n’étaient pas moins accablantes. C’est au point qu’en France M. Lenormant essaya, avec plus de zèle que de bonheur, de reprendre pour son compte l’hypothèse qui attribuait le livre à Origène : on pouvait ne pas trop se soucier, pensait-il, des accusations d’un homme notoirement hostile à la doctrine de l’église. Cette tentative n’eut aucun succès, et du côté catholique on éprouva le besoin de compulser à nouveau les pièces du procès.

Celui qui s’en chargea, et qui s’acquitta de cette tâche avec beaucoup de talent, fut M. Dœllinger, théologien fort distingué de Munich, dont le nom a marqué, il y a quelques années, lors des premières discussions relatives au pouvoir temporel de la papauté. On sait que M. Dœllinger ne craignit pas d’envisager en face l’hypothèse de la disparition de ce pouvoir et même d’affirmer qu’elle n’aurait rien d’essentiellement fâcheux pour l’intérêt bien entendu de l’église romaine. Cette manière, hardie pour un prêtre, d’envisager la question lui valut à Rome de sévères réprimandes, et il dut se rétracter, disent ses adversaires, s’expliquer, disent ses amis, afin de ne plus porter ombrage à la susceptibilité ultramontaine. Toutefois il est douteux qu’il réussisse jamais à se laver entièrement des soupçons que son libéralisme relatif inspire aux absolutistes du Vatican. La théologie et la philosophie de Munich leur sont antipathiques. En peu d’années, on a vu des hommes tels que MM. Carrière, Huber, Froschammer, Lasaulx, Pichler, déférés l’un après l’autre aux censures pontificales. Nous n’avons pas à intervenir dans ce débat, si ce n’est pour regretter au nom de la science et du libéralisme européen qu’une telle pression soit exercée sur des savans et des écrivains qui font penser au vers virgilien :

Si Pergama dextra
Defendi possent…

Ce qui est certain, c’est que M. Dœllinger est un écrivain fort sa-