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jusqu’alors usité presque exclusivement dans l’église romaine, devint promptement hors d’usage dans la vieille capitale. Or, tandis que la statue dénote une main habile et soigneuse, l’inscription est mal gravée, présente des fautes grossières, et semble être l’œuvre d’un homme qui n’était pas familier avec les mots grecs qu’il voulait reproduire ; mais, si défectueuse que soit l’exécution matérielle, le catalogue d’ouvrages gravé sur la cathèdre n’en est pas moins celui que les admirateurs d’Hippolyte acceptaient comme exact au IVe siècle, et à ce point de vue la statue demeure un témoignage fort important, irréfragable même, en faveur de l’opinion qui fait de lui l’auteur de la Réfutation.

Quant à la position d’Hippolyte dans l’église romaine de son temps, M. Dœllinger et les critiques de Tubingue ont parfaitement raison de repousser l’hypothèse, trop facilement admise par M. de Bunsen, de son double titre d’évêque de Porto et de membre du presbytérat romain ; mais celle qu’adopte le savant chanoine de Munich, la supposition qu’Hippolyte aurait fait schisme à Rome, n’est pas plus solide. Ce schisme aurait duré longtemps, puisque, datant de l’élévation de Calliste à l’épiscopat, il se serait prolongé, après la mort de celui-ci, jusqu’au moment où Hippolyte et l’évêque Pontien furent déportés ensemble en Sardaigne (218-235). Comment donc se peut-il qu’aucune trace n’en perce dans l’histoire ? Comment le nom d’Hippolyte ne se rencontre-t-il dans aucun catalogue d’hérésies ? Comment Tertullien, qui aurait eu ses raisons de sympathiser avec un pareil schisme, n’en souffle-t-il pas un mot dans ses véhémentes objurgations contre les évêques romains ? Comment surtout le grand schisme novatien, qui éclate à Rome quinze ans après le départ d’Hippolyte et dont nous connaissons fort bien les particularités par les écrits de Cyprien et autres documens, peut-il donner lieu à des controverses, a des correspondances passionnées, sans que la moindre allusion soit faite de part ou d’autre à un mouvement qui dans l’hypothèse de M. Dœllinger aurait été tout semblable ? Dans l’un et l’autre cas en effet, il se serait agi d’une dissidence formée à Rome par les partisans de la rigidité disciplinaire. Tout cela dépasse les bornes du vraisemblable. Il est vrai que M.Dœllinger croit pouvoir appuyer son opinion sur les déclarations du livre lui-même. Hippolyte, dit-il, se décerne à lui-même la dignité épiscopale, car il s’attribue la succession apostolique, la sacrificature souveraine (άρΧιρατεία) dans l’église ; il parle de Calliste, non comme de l’évêque des chrétiens de Rome, mais comme d’un chef d’école (διδασχαλίον) ; il lui reproche d’avoir reçu à la communion de l’église des pécheurs scandaleux que lui et ses amis en avaient repoussés, etc. Seulement nous nous permettrons de demander à notre tour pourquoi Hippolyte ne déclare pas une bonne fois, en