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nommé Carpophore, attaché à la maison impériale. Parmi ses esclaves s’en trouvait un du nom de Calliste, qu’il croyait habile et fidèle, puisqu’il lui confia une somme d’argent importante avec l’ordre de la faire valoir dans des opérations de banque. Calliste s’établit au Marché-aux-Poissons (piscina publica), et devint au bout de quelque temps dépositaire de fonds que lui remettaient des chrétiens, particulièrement des veuves chrétiennes, à qui le nom de son maître inspirait, grande confiance ; mais il en abusa au point de gaspiller tout ce qu’on lui avait prêté. Bientôt Carpophore fut instruit des méfaits de Calliste. Le dépositaire infidèle, redoutant le courroux de son maître, s’enfuit précipitamment vers Porto, où il trouva un navire prêt à prendre la mer, et sur lequel il s’embarqua sur-le-champ, décidé à fuir n’importe où, pourvu qu’il s’éloignât de Rome. Cependant Carpophore était déjà sur ses traces, et le navire était encore au milieu du port, que Calliste le reconnut, se dirigeant vers lui. Alors il se crut perdu et se jeta à la mer. Repêché par des matelots et ramené à Rome, il fut condamné par son maître au pistrinum, c’est-à-dire à tourner la meule. C’était, on le sait, une punition très redoutée des esclaves, et non sans cause, car ce genre de travail était un véritable supplice, peu même y résistaient longtemps ; mais Calliste eut l’art de se tirer de là. Il sut intéresser quelques chrétiens à son sort en leur laissant entendre qu’il avait caché de l’argent chez certaines personnes, et qu’il pourrait rembourser ses créanciers, s’il sortait jamais de cet enfer du pistrinum. Carpophore, à la prière instante des créanciers, qui lui représentaient qu’ils avaient confié leur argent à Calliste parce qu’ils le savaient son serviteur, consentit à l’élargissement du misérable et même se désista de toute revendication pour son propre compte. Le fait est que Calliste n’avait rien caché. Se voyant toujours gardé à vue, menacé d’être renvoyé à la meule, il revint à ses désirs de mort, et, sous prétexte de rencontrer ses débiteurs, il eut l’étrange idée d’aller faire du bruit au beau milieu d’une synagogue juive un jour de sabbat, s’écriant tout haut qu’il était chrétien. Les Juifs en colère le traduisirent devant le préfet de la ville, Fuscianus, requérant qu’il fût sévèrement châtié pour avoir ainsi troublé un culte reconnu par la loi romaine. Là-dessus Carpophore survint et tâcha d’éclairer Fuscianus sur le passé de son esclave et ses véritables intentions ; mais Fuscianus, cédant aux instances redoublées des Juifs, qui ne voulaient rien croire de tout cela, fit battre de verges Calliste et le condamna aux travaux forcés dans l’île de Sardaigne. Remarquons ici que, d’après la loi romaine, l’esclave condamné par l’autorité civile à une peine d’homme libre était émancipé par le fait même, si plus tard il rentrait dans la vie