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bien à croire que ce ne fut pas précisément sur la question dogmatique, mais bien plutôt sur la question disciplinaire que se fît l’élection, c’est-à-dire qu’on chercha moins à nommer un évêque orthodoxe qu’à nommer un évêque indulgent pour bien des fautes que la discipline primitive condamnait rigoureusement. Il paraît pourtant que l’opinion dogmatique d’Hippolyte gagnait du terrain à Rome, car, à peine évêque, Calliste, toujours fidèle à sa tactique, crut devoir faire une concession grave au parti de l’opposition en excommuniant Sabellius, qui se retira en Orient, où l’histoire ecclésiastique le retrouve, vers 250, presbytre à Ptolémaïs, prêchant sans obstacle et même avec beaucoup de succès sa doctrine particulière. Calliste avait trouvé un biais pour distinguer sa doctrine de celle de Sabellius. Le Père et le Fils, disait-il, sont, non pas deux personnes distinctes, comme le voudrait Hippolyte, ni deux modes successifs de la Divinité, comme l’entend Sabellius, mais deux déterminations d’un seul et même esprit, à la fois visible en tant que Fils et invisible en tant que Père, de sorte qu’il se croyait en état de repousser le reproche qu’on lui faisait d’enseigner que le Père avait souffert. « Non, disait-il, le Père n’a pas souffert, mais il a compati avec le Fils, » subtilité pure évidemment, car la question était toujours de savoir s’il y avait, oui ou non, deux êtres personnels et distincts dans le Père et dans le Fils. Si l’on disait oui, Calliste était dithéiste comme ses adversaires ; si l’on disait non, c’était une seule et même personne qui avait souffert ; mais cette subtilité lui permettait d’évincer Sabellius et de faire des avances à la doctrine encore populaire de Théodote, d’après laquelle la descente de l’Esprit au baptême du Jourdain avait fait de l’homme-Jésus l’incarnation du Fils. Du reste on peut voir ici, comme dans tout ce débat, combien la notion de personnalité était vague dans les intelligences.

Hippolyte n’en fut pas plus touché et reprocha à Calliste d’avoir accouplé les deux hérésies de Sabellius et de Théodote. En même temps il lui fait d’autres reproches plus graves encore. Il l’accuse de s’être mis en opposition avec l’église chrétienne par une indulgence immorale pour les pécheurs scandaleux. Il ne leur demandait, dit-il, que d’adhérer à son parti : à cette condition, tout leur était pardonné. Il cherchait de toutes manières à augmenter l’absolutisme épiscopal. Il répandait les plus funestes maximes, entre autres celles-ci : a un évêque ne peut jamais être déposé, quand même il commet un péché mortel ; on peut recevoir un évêque, un presbytre, un diacre, lors même qu’ils seraient mariés pour la seconde ou la troisième fois, » chose contraire à la règle antérieure qui interdisait les secondes noces aux fonctionnaires de l’église,