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dont il ramène les élémens à quatre, le feu et l’esprit, l’eau et la terre, il raconte comment Dieu promulgua ou proféra, à l’état de Verbe extérieur et personnel, la conception de l’univers qu’il possédait auparavant en lui-même, à l’état intérieur et impersonnel, puis comment ce Verbe, serviteur obéissant du Père, façonna tout ce qui existe au moyen des quatre élémens simples. La formation de l’homme être libre et moral couronna cette activité créatrice, et depuis lors le Verbe n’a cessé d’instruire l’humanité, d’abord obscurément par l’organe de Moïse et des prophètes, en dernier lieu clairement et complètement en se revêtant d’un corps dans le sein d’une vierge. C’est ainsi qu’il a régénéré la substance humaine, consentant à partager nos besoins, nos souffrances, et purifiant notre nature en la portant à travers tous les âges de la vie[1].


«….. Telle est, continue-t-il, la vraie doctrine de la Divinité, ô Grecs et Barbares, Chaldéens et Assyriens, Égyptiens et Libyens, Indiens et Éthiopiens, Celtes, et vous, Latins, qui commandez au monde, et vous tous, habitans de l’Europe, de l’Asie et de la Libye. Je suis votre conseiller à tous, en ce sens que, disciple du Verbe ami des hommes et ami moi-même des hommes, je vous invite à apprendre auprès de nous quel est le vrai Dieu, quelle est son œuvre bien ordonnée, à ne pas vous adonner aux sophismes des discoureurs artificieux ni aux vaines promesses des hérétiques trompeurs, mais à aimer la simplicité grave et concise de la vérité. En apprenant à la connaître, vous éviterez le feu du jugement qui vous menace et l’aspect effrayant de ce ténébreux Tartare où ne reluit pas la parole du Verbe. Vous éviterez l’ardeur éternelle de l’étang brûlant de la Géhenne, le visage toujours menaçant des anges maudits qui habitent les enfers, et le ver rongeur de la substance corporelle, s’attachant, comme à sa nourriture, au corps embrasé. Si tu apprends à connaître le vrai Dieu, tu fuiras toutes ces horreurs, tu auras un corps immortel, incorruptible, associé à ton âme, tu obtiendras le royaume des cieux. Ancien habitant de la terre, mais ayant connu le roi des cieux, tu participeras à la vie de Dieu, tu seras héritier avec Christ, tu ne seras plus exposé aux convoitises, aux souffrances, aux maladies, car tu seras devenu dieu. Les maux dont tu as souffert étant homme provenaient de ta nature humaine ; mais Dieu a promis que tu deviendrais possesseur de ce qui est conforme à la nature divine. Tu deviendras dieu en naissant à l’immortalité. Connaître le Dieu qui t’a fait, c’est là vraie mise en pratique du connais-toi toi-même !… Si tu obéis à ces augustes préceptes, et que, devenant bon, tu sois imitateur de celui qui est bon, tu lui seras fait semblable, et tu seras honoré par lui, car ce n’est

  1. Dans cette dernière idée, on reconnaît la prétention de l’école johannique, partagée par Irénée, et qu’un passage du quatrième évangile semble appuyer (Jean, VIII, 57). D’après cette école, Jésus aurait vécu beaucoup plus longtemps que les données des évangiles plus anciens ne permettent de le croire. Cette prétention, inadmissible historiquement, rentre dans la transfiguration idéaliste que l’école johannique fit subir à l’histoire évangélique.