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pulpe, de gélatine molle, noyée dans les vaisseaux sanguins. Puis les fibres commencent à se montrer d’abord dans les parties postérieures et moyennes, ensuite dans les parties antérieures. Au bout de quelques mois au contraire, les parties antérieures et supérieures se développent avec plus d’énergie que les autres parties, et alors commencent pour l’enfant l’attention, la réflexion, le langage, en un mot les facultés vraiment rationnelles. Le cerveau va toujours croissant et se développant jusqu’à ce qu’il ait atteint sa perfection, ce qui a lieu entre trente et quarante ans. Alors il y a un point d’arrêt pendant lequel il semble que le cerveau reste stationnaire, puis il commence à décroître ; il s’amaigrit, se rapetisse, s’amollit ; les circonvolutions se rapprochent et s’effacent. Affaissé enfin, le cerveau revient en quelque sorte à l’état d’où il est parti.

Je n’oserais pas contester ce tableau si saisissant et si spécieux, et qui paraît vrai dans sa généralité ; mais d’une part Gall voyait tout avec son imagination, et d’un autre côté, quand on a quelque expérience de ces questions, on sait qu’il est bien rare que les faits s’y présentent avec cette parfaite simplicité. Ainsi, pour nous en tenir à la question de poids, nous trouvons de singuliers dissentimens entre les observateurs. Il s’agit de fixer le moment où le cerveau atteint son poids maximum. Suivant Sœmmering, ce serait à l’âge de trois ans, ce qui est vraiment inadmissible. Suivant Wenzel, ce serait entre 6 et 7 ans, suivant Tiedemann entre 7 et 8, etc. On peut choisir. Enfin, d’après Sims, le poids du cerveau irait croissant jusqu’à l’âge de 20 ans, diminuerait de 20 à 30, reprendrait son élan de 30 à 50, et décroîtrait à partir de cet âge. Cette loi extraordinaire, qui suppose une diminution cérébrale de 20 à 30 ans, doit être l’effet d’une illusion de l’opérateur ou s’expliquer par quelque circonstance particulière[1]. Gratiolet cependant incline de son côté à penser « que le cerveau croît toujours, au moins dans les races caucasiques, depuis la première enfance jusqu’à la décrépitude. » Il n’y aurait point par conséquent de décroissance. On voit par tous ces faits que l’on ne sait pas encore très bien, quoi qu’en dise le docteur Gall, le rapport du développement du cerveau avec le développement de l’âge.

On a ensuite comparé le poids du cerveau dans les deux sexes, et l’on a cru trouver que les femmes ont en général la cervelle plus légère que les hommes, ce qui s’explique, disent les peu galans physiologistes, par l’infériorité de leur culture intellectuelle. Il est

  1. MM. Broca et Gratiolet sont d’accord pour supposer que le fait peut s’expliquer par l’existence des hydrocéphales, très nombreux dans le bas âge, et dont un grand nombre meurent avant vingt ans. Ce seraient eux qui augmenteraient ainsi la moyenne de la première période.