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trois autres faces douze compartimens en forme de niches, encadrés par des colonnes engagées et par des arcades feintes que surmonte un entablement enrichi de moulures dorées et d’imitations de mosaïques. A ne considérer que les usages traditionnels, les figures des douze apôtres semblaient d’avance promises à ces douze places, ou bien le pinceau devait y retracer les images des saints qui, comme saint Jean-Baptiste ou saint François, comme saint Jérôme ou saint Antoine, ont dû aux austérités de leur vie le privilège d’avoisiner ordinairement dans les églises l’image du rédempteur. M. Cornu néanmoins ne s’est pas conformé sur ce point aux coutumes de ses devanciers, et, vu la destination toute spéciale de son œuvre, nous croyons qu’il a eu raison. A quoi bon en effet proposer aux regards de ceux qui ont reçu la mission de diriger les affaires humaines les types du renoncement au monde, les modèles par excellence du désintéressement chrétien ! N’était-il pas ici plus opportun et plus utile de rappeler que le trône a pu quelquefois encourager à l’amour de Dieu aussi sûrement que la grotte de l’anachorète ou la cellule du cénobite, et que dans notre France en particulier, dans le royaume de saint Charlemagne et de saint Louis, les grands exemples de foi ne manquent pas plus que les exemples de génie politique et de courage ? A côté de ces héros de la croix couronnés, et pour compléter les souvenirs que leur gloire réveille, M. Cornu a résumé dans quelques figures l’histoire des dévouemens ou des travaux illustres qui, depuis l’apostolat de saint Irénée jusqu’à celui de saint Denis, depuis le martyre de sainte Blandine jusqu’aux pieuses conquêtes de sainte Geneviève et de sainte Clotilde, ont marqué l’établissement du christianisme sur le sol de notre pays et l’y ont comme enraciné. En regard de saint Denis, premier évêque de Paris, le premier évêque de Lyon, saint Pothin, offre à la vénération des peuples une statue de la Vierge portant dans ses bras le divin enfant. Plus loin, le jeune saint Symphorien et le jeune saint Cloud sacrifient au service de Dieu, l’un ses titres, l’autre sa vie, tandis que saint Martin de Tours et saint Rémi vouent à la même cause leur zèle épiscopal et leur indomptable énergie.

Très heureusement choisies quant aux convenances historiques ou morales, ces figures se recommandent en général par la justesse et la dignité de l’expression pittoresque. L’aspect en est à la fois sobre et décoratif, et n’étaient çà et là quelques mollesses dans le dessin, quelque excès de rondeur dans le modelé, l’exécution matérielle honorerait autant l’habileté de l’artiste que la sagesse des intentions, la majesté vraisemblable des attitudes et des gestes, honorent sa raison et son goût. Notons pourtant une infidélité et, selon nous, une infidélité regrettable aux principes qui ont inspiré l’ensemble du travail. Hormis un seul, tous les personnages représentés ici se montrent de face, dans des attitudes calmes, comme le prescrivaient non-seulement les caractères des modèles, mais aussi les lois de la symétrie et les formes données par l’architecture. D’où vient que, pour tracer la figure de saint Symphorien, M. Cornu ait pris un point de vue