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générales. La constitution du globe terrestre oblige l’homme dans son organisation présente à toutes les conditions connues de son existence, conditions dont la dureté est adoucie par une certaine perfectibilité d’ailleurs limitée. En même temps la faiblesse de toutes les théories sur l’origine des âmes ramène à la pensée de leur préexistence dans une autre économie que l’économie terrestre. Cette préexistence suppose leur transmigration par des mondes différens, et cette transmigration suppose entre ces mondes une corrélation et une harmonie que l’astronomie fait entrevoir. Cette succession d’existences diverses, qui, à en juger par celle qui nous est connue, sont très loin d’être parfaites, ne peut s’expliquer que par l’accomplissement d’une loi morale qui n’est elle-même que la justice divine. Ce doit être une série d’épreuves, d’expiations, de progrès, qui conduisent, par un amendement, par une purification continuelle, à des degrés de plus en plus élevés d’excellence et de béatitude. Telle est, en termes fort sommaires, la doctrine ou plutôt la religion de Jean Reynaud.

Ce sont là de bien libres spéculations, et quelques-unes sont de véritables hérésies. On se tromperait toutefois, si l’on prenait l’auteur pour un adversaire du christianisme. Il n’en parle qu’avec respect et déférence, et met un soin singulier à montrer que lorsqu’il se sépare de l’église, c’est l’église qui s’est trompée sur la tradition et qui a méconnu le vrai sens des livres saints. Il échoue certainement dans la défense de son orthodoxie, mais il n’est pas après tout beaucoup plus hérétique qu’Origène. Il ressemble en effet bien moins aux philosophes incrédules qu’à ces chrétiens indépendans des premiers siècles qui, en invoquant l’autorité du Christ, en citant l’Écriture, substituaient une gnose nouvelle et une doctrine originale en style d’évangile à ce qui est demeuré ou devenu à travers les siècles la tradition des apôtres.

La métempsycose, malgré l’autorité de Platon, n’est pas beaucoup plus de mise dans la religion naturelle que dans la religion révélée. Il s’en faut cependant que la philosophie de Jean Reynaud ait usurpé le titre qu’il lui donne de philosophie religieuse. Partout, dans son livre, vous trouverez l’idée d’un plan divin, celle d’une providence, celle d’une suprême justice, la responsabilité de l’homme, la nécessité d’une expiation pénale, enfin le monde soumis à un ensemble de lois qui concordent avec la loi morale. Que faut-il de plus pour imprimer à une doctrine le caractère le plus religieux ? D’ailleurs la métempsycose peut être une erreur, mais nullement une impiété. La résurrection, dit un écrivain célèbre, est la forme sémitique de l’immortalité de l’âme ; or dans toute doctrine de l’immortalité de l’âme il reste quelque chose de l’idée de la résurrection.