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flammes n’ose pas sauver sa vie par un saut courageux dans les ondes écumantes de la mer, pour atteindre le rivage prochain !… » C’est vers Munich en effet qu’étaient maintenant tournés les regards et les vœux du patriotisme tudesque. Des trois monarques de la triade, celui de Wurtemberg était trop vieux et trop prudent pour faire le saut dans les ondes écumantes ; le roi Jean de Saxe, l’érudit profond qui, sous le nom de Philalethes, avait doté le monde d’un commentaire archéologique sur Dante, « étudiait » les droits du duc d’Augustenbourg avec toute la conscience d’un « président de la société des antiquaires » qu’il était[1]. Seul, Maximilien de Bavière, bien que savant lui aussi (il avait travaillé toute sa vie à une réfutation complète du système de Hegel), semblait ambitionner un rôle actif. Aussi est-ce de Bavière que vint maintenant le signal d’une grande levée des boucliers. On devait battre M. de Bismark sur le terrain légal aussi bien que sur le terrain des faits, en brusquant le vote dans la « question de succession » et en mettant sur pied une force armée respectable. Sur cette « question de succession, » M. de Pfordten, le plénipotentiaire de la Bavière près de la diète, préparait depuis longtemps un rapport formidable, vrai monument d’érudition en matière de droit féodal, œuvre immense, œuvre gothique, mais qui, comme tout grand monument de l’âge gothique, comme la cathédrale de Cologne et la Somme de saint Thomas, semblait destinée à ne devoir jamais être achevée. Au mois de février 1864, l’homme d’état légiste n’en était encore qu’à la moitié de son travail. N’importe, le temps pressait, et on résolut de saisir le Bund du premier demi-rapport de M. le baron de Pfordten. En même temps le gouvernement de Bavière invitait les états secondaires à se réunir en conférence ministérielle à Würzbourg, pour aviser à la situation. Le Wurtemberg, la Saxe, Bade, Hesse-Darmstadt, Nassau, Brunswick, Weimar et Cobourg-Gotha se rendirent à l’appel (18 et 19 février), et on résolut à l’unanimité de demander au Bund un vote décisif et prompt dans la question de succession, la convocation des états provinciaux dans le Holstein et l’augmentation considérable de l’effectif de l’armée fédérale dans le même duché. Ce dernier point était surtout significatif. « Comme il est impossible d’admettre, écrivait avec une certaine candeur lord Loftus en date du 17 février, que les troupes fédérales aient à redouter une attaque soudaine dans le Holstein de

  1. Lord Loftus écrivait le 23 décembre 1863 : « Le baron Schrenk (le ministre de Bavière) me dit que la Bavière et la Saxe se trouvaient sur la même ligne dans cette question, la seule ombre de différence entre les deux gouvernemens étant que le roi de Bavière a déjà exprimé sa conviction personnelle quant aux droits légitimes du prince Frédéric, tandis que le roi de Saxe est encore occupé à les étudier… »