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jour où commença plus tard l’invasion totale du Jutland !), le prince répondit (le 24 février) avec une entière franchise : « Il conviendrait assurément au souverain d’une nation civilisée de s’offrir comme médiateur dans une lutte acharnée où toutes les lois de l’humanité sont constamment violées. Ce rôle ne manquerait ni de grandeur ni d’habileté ; mais les propositions faites jusqu’à présent n’ont pu dissiper la crainte qu’on ne veuille mettre à profit nos malheurs pour s’enrichir de quelques nouveaux lambeaux de notre territoire… »

il y avait un moyen plus prompt et infaillible d’amener la « pacification » de la Pologne, et M. de Bismark n’eut garde de le négliger. Il savait mieux que tout autre que la « connivence » de l’Autriche en Galicie avait été la principale et presque unique cause du développement et de la longue vitalité de l’insurrection polonaise, et ce fut là aussi un des principaux objets recommandés à toute la sollicitude du général Manteuffel lors de son départ pour Vienne. Certes cette connivence de l’Autriche s’était bien ralentie et affaiblie avec la marche descendante de la négociation diplomatique, et la bureaucratie galicienne ne ressemblait plus guère en février 1864 à celle de février 1863. On était bien plus scrupuleux maintenant sur les « devoirs internationaux, » parfois même on était tracassier au plus haut degré. Depuis le discours du 5 novembre notamment, les instructions du comte Mensdorff-Pouilly, alors gouverneur de la province, s’accentuaient chaque jour davantage dans le sens de la vigilance et de la répression. Si rigoureux que devînt le régime, il permettait cependant encore de rares échappées ; une trouée se faisait de temps en temps dans le cordon, et les insurgés recevaient en armes et en munitions une petite « fourniture. » Dans les grandes occasions, et lorsque la frontière se fermait trop violemment, une représentation « amicale » de M. Drouyn de Lhuys au prince Metternich opérait de nouveau un relâchement de quelques heures, ad augusta in angustiis ! Toutefois il devenait évident pour les hommes d’état qu’une telle situation ne pouvait guère se prolonger, qu’il fallait prendre un parti décisif, et M. de Manteuffel trouva sous ce rapport le terrain bien mieux préparé que dans la question des états secondaires et dans celle du Jutland. On se disait à Vienne que la politique « aventureuse » de 1863 avait fait son temps, qu’on en avait retiré aussi tout l’avantage désirable, — la fin de l’entente franco-russe, — qu’il fallait faire la paix avec. « l’ennemi intime » et rentrer décidément dans le bon et vieux système de la « stabilité, » dans cet accord presque séculaire des trois cours du Nord, qui avait bien aussi ses inconvéniens, il est vrai, mais des inconvéniens lointains, et avec lequel on était au moins à l’abri des