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d’état du 3 mars et la mort du roi Maximilien Ier, le Bund ne développait plus d’autre force que celle de l’inertie, et menait l’existence que Dante assigne aux ombres des justes qui ont vécu avant la venue du Sauveur : une existence rongée par le désir et dénuée d’espoir, senza speme, in disio… La diète dut même enterrer sans pompe (13 mars) le « deuxième demi-rapport » de son illustre baron de Pfordten, et elle finit (14 avril) par désigner le baron de Beust comme son représentant à la conférence, en ne lui donnant pour tout viatique que le saint commandement de ne jamais reconnaître le traité de 1852.

On aurait pu croire un instant que les deux grandes puissances libérales de l’Occident allaient mettre à profit l’intervalle causé par tous ces retards pour se rapprocher et former une entente qu’on semblait maintenant souhaiter des deux parts. L’arrivée de lord Clarendon à Paris (13 avril 1864) fut en effet l’indice de rapports meilleurs. L’homme et le moment paraissaient on ne peut mieux choisis. Déjà l’entrée de ce noble lord dans le cabinet britannique au commencement d’avril avait été considérée comme de bon augure. En s’adjoignant ce membre distingué, le cabinet Palmerston-Russell n’avait pas songé seulement à fortifier sa position à l’intérieur, il voulait aussi évidemment faire une avance au souverain des Français après les débats tout récens et irritans de la malheureuse affaire Stansfeld. Lord Clarendon avait été ministre des affaires étrangères du temps de l’alliance intime des deux cours et de la guerre de Crimée, il avait été le plénipotentiaire anglais du congrès de Paris, l’hôte toujours bien vu aux Tuileries et le compagnon aimable des chasses de Compiègne. Il est vrai que lord Clarendon était aussi l’homme de Windsor, le diplomate selon le cœur de la reine Victoria, et on savait depuis longtemps les dispositions de sa gracieuse majesté dans le conflit dano-allemand. Du reste, et comme toujours dans les grandes affaires de la vie, les difficultés tenaient bien plus aux choses qu’aux hommes, et il était impossible de se dissimuler que les choses n’avaient point changé, ou plutôt qu’elles avaient empiré. On n’était plus en ce mois d’avril 1864 aux idées qu’on avait caressées pendant l’hiver ; on ne pensait plus à une « liberté d’action, » à quelque grande entreprise pour le cas où John Bull se déciderait à « nager ». On avait perdu successivement toutes les positions sur lesquelles on avait compté, — en Allemagne, en Pologne, dans les états Scandinaves et dans les principautés danubiennes. — L’alliance du Nord s’était fortifiée et accusée dans des traits qu’on ne pouvait guère méconnaître : au lieu dénouer ou de se laisser nouer les vastes combinaisons, on se tenait à Paris sur ses gardes et déjà sur la défensive. Le gouvernement français était moins libre que jamais de suivre le cabinet de