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dans ses temps les plus terribles, dépose au fond de son lit les assises parallèles, symétriques, harmonieuses de ses lois privées.

Pourtant, il faut tout dire, quand le code civil de la convention fut presque achevé, il arriva une chose étrange : au moment de mettre le dernier sceau, la convention hésite ; elle s’arrête, elle demande une nouvelle rédaction plus philosophique. Par là elle se frustre de l’honneur de donner son nom à la législation civile de la France. D’où vient cette facilité d’ajournement ? En voici, je pense, la raison, qui confirme avec éclat ce que j’ai établi plus haut.

Les lois civiles n’avaient présenté aucune difficulté aux partis ; elles s’étaient comme offertes d’elles-mêmes au législateur. C’était le fruit mûr qui se détachait lui-même de l’arbre ; les hommes de la révolution sentaient qu’elles ne pouvaient leur échapper. Une si grande sûreté leur ôta toute impatience de les graver en formules irrévocables. C’est le contraire de ce qui arrivait pour les lois politiques ; celles-ci fuyaient pour ainsi dire à mesure qu’on pensait les saisir : nouveau supplice de Tantale ! d’où une impatience fiévreuse de s’en emparer, de les rédiger, de les fixer, de les lier à des constitutions écrites que l’on croyait rendre irrévocables par le serment. On était sûr de jouir des lois civiles ; l’expression définitive en fut ajournée. On ne sentait aucune sûreté dans le droit politique : tous se hâtèrent, on ne voulut pas perdre une heure pour le fixer.

Il fallut d’abord un esprit héroïque, mens heroica, pour porter la main sur l’échafaudage de toutes les lois civiles qui se disputaient la France. En des temps ordinaires, qui eût osé jamais trancher avec tant d’autorité entre le droit romain et le droit coutumier par exemple dans les conventions matrimoniales ? A chacune des grandes audaces juridiques on pourrait assigner une date de la convention ; ses jurisconsultes lui empruntèrent son intrépidité ; c’est par là qu’ils purent décider en maîtres et sans réplique au milieu du chaos de tant de législations discordantes : témérité presque inconcevable en une époque ordinaire. Ces premières vues ont décidé de l’esprit de nos lois ; rien n’a pu effacer cette vigoureuse empreinte. Examinez tous les principes généraux qui ont survécu dans notre législation, le premier plan a servi pour tout l’édifice.

Au moment de la promulgation du code, personne n’avait songé qu’on pût faire disparaître le nom de la nation à laquelle il appartenait. Il fut promulgué sous le titre de « code civil des Français. » Bientôt ce nom de Français fut effacé comme un adjectif superflu. Miracle d’obéissance ! une nation oublia son titre le meilleur à la reconnaissance des hommes pour en revêtir son maître ? Le bas-empire avait montré moins d’abnégation.

Quand on ne peut s’empêcher de citer le code de la convention,