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ques, n’a pas eu besoin de serrer l’écrou aussi fort, et a fixé l’escompte au taux très raisonnable et très modéré de 5 pour 100. Elle ne pouvait, tandis que l’argent se paie 7 pour 100 en Angleterre, 5 et 6 en Allemagne, ne le donner qu’à 3 pour 100. Une telle libéralité eût été une faute contre toutes les règles commerciales ; elle eût favorisé une sortie artificielle d’espèces ; elle eût commencé par tromper le commerce français sur l’état vrai des choses, et eût fini par lui susciter de fâcheux embarras. Quoique la situation ne présente aucun sujet d’alarme, quoique les conditions d’escompte fixées par la Banque soient modérées, les adversaires, nous ne dirons pas de la Banque, mais des lois élémentaires qui régissent le commerce des capitaux et de l’argent, les ennemis déclarés du sens commun, n’ont point laissé échapper l’occasion de renouveler leurs accusations déclamatoires contre la politique de notre premier établissement de crédit. Ces gens-là se figurent que la Banque est investie d’une faculté créatrice de crédit dont elle doit distribuer gratuitement les magiques produits. C’est une troupe de fanatiques qui veulent introduire les mystères et le surnaturel dans une chose aussi réelle et aussi prosaïque que le commerce, qui échauffent les préjugés populaires au bénéfice d’une école de spéculation très froide, point dupe du tout, et dont toute la conduite semble dire : Que mes opérations réussissent, et après moi le déluge ! Les vrais principes et les saines pratiques en matière de banque ont été cependant amplement et nettement exposés depuis la controverse de l’année dernière. Plusieurs de nos collaborateurs, MM. Bonnet, de Laveleye, Wolowski, les ont développés ici avec un grand succès. Des hommes compétens et pratiques ont présenté d’une façon complète et décisive ce qu’on pourrait appeler les conditions techniques du métier de la banque et la philosophie positive du crédit. Au point de vue professionnel, M. Coullet, à qui l’on doit aussi la publication d’intéressans extraits des enquêtes anglaises, a donné un traité qui épuise la question. Au point de vue théorique, M. Cernuschi, dans sa mécanique de l’échange, a tracé une œuvre magistrale où sont saisies et rendues avec une inflexible logique la nature et l’action du capital, du crédit, de la monnaie. Après toutes ces publications, on ne peut plus voir dans les écrivains qui ne se fatiguent point à répéter les mêmes objections ineptes contre les variations de l’escompte que d’incorrigibles fanfarons d’ignorance. Ce qui nous révolte surtout, c’est que de pareilles erreurs soient placées sous l’invocation d’un faux esprit démocratique. Étranges démocrates ! il y en a eu de semblables en Angleterre, et il faut voir, dans les écrits de M. Stuart Mill, avec quel austère dédain ils ont été désavoués par le plus grand économiste vivant de la démocratie.

Malgré notre dénûment en matière de libertés politiques, la vérité et l’honneur ne permettent point aux libéraux français de chercher des moyens détournés d’opposition dans de fausses manœuvres économiques. Nous le savons, dans les pays où l’esprit politique ne peut ou n’ose encore