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très habilement exécutées. « C’est comme un coin de Pompéi, » nous dit M. de, Rossi. Des deux côtés s’étendent des salles destinées sans doute aux repas funèbres ou à la garde du monument. Tout ce premier étage s’élevait au-dessus du sol ; il frappait les yeux de tout le monde ; il était impossible de ne pas le remarquer. C’est qu’en effet ce cimetière n’avait rien alors à cacher : c’était pour la loi le tombeau de Domitilla, et elle avait le droit d’y admettre qui elle voulait. Cette inscription, dont la place seule demeure aujourd’hui, n’avait pas besoin de mentir ; il lui était permis d’être vraie, et nous pouvons nous figurer ce qu’elle devait être. Domitilla pouvait dire pour qui elle élevait ce tombeau ; il ne lui était pas interdit d’y mentionner expressément sa croyance. Ne lisons-nous pas sur certaines tombes que le possesseur n’y veut admettre que ceux qui appartiennent au même culte que lui (qui ad religionem sint pertinentes meam) ! En, agissant ainsi, Domitilla ne faisait qu’user de ses droits de propriétaire. Il n’y avait rien là, je le répète, qui pût éveiller les susceptibilités de la loi et l’empêcher d’étendre à ce monument la protection qu’elle accordait à toutes les propriétés privées.

Voilà donc, selon M. de Rossi, quels furent les commencemens des cimetières de Rome. C’étaient d’abord des tombeaux particuliers que de riches chrétiens faisaient construire pour eux et pour leurs frères, et dont ils conservaient la propriété sous la sauvegarde de la loi ; mais avec le temps ces conditions changèrent. A la fin du IIe siècle, il est question, dans les écrivains ecclésiastiques, de cimetières qui n’appartiennent plus à des particuliers, mais qui sont ouvertement la propriété de l’église. Tel était celui dont le pape Zéphyrin confia l’administration à Calliste, et qui prit son nom. M. de Rossi suppose que ce fut le premier dont la communauté des fidèles s’attribua la possession ; mais ce ne fut pas le seul. Quelques années plus tard, sous le pape Fabien, il y en avait déjà plusieurs, et le nombre ne cesse point d’augmenter jusqu’à Constantin. Pour ceux-là, la question de savoir comment la corporation chrétienne les possédait en sûreté est bien plus délicate. La loi romaine n’accordait pas sans examen à des associations le droit d’acquérir et de posséder. On sait combien l’empire se défiait des sociétés secrètes, et avec quelle sévérité il les poursuivait. Celles dont il est le plus question dans les jurisconsultes, et que le pouvoir semble avoir le plus redoutées, c’étaient les associations qui se formaient dans les camps, parmi les soldats, et celles qui dans les villes prenaient la religion pour prétexte. Par là les chrétiens se trouvaient particulièrement condamnés. Ils formaient une de ces sociétés que la loi trouvait plus dangereuses que les autres, et contre lesquelles elle était plus disposée à sévir. Est-il à croire qu’on leur ait permis d’avoir des sépultures communes qui pouvaient servir aussi de lieu de