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cette garantie, l’usage et la loi leur fournissaient un moyen. J’ai parlé plus haut de cette loi qui déclarait sacré le lieu où un homme était enseveli. Elle ne protégeait pas seulement le tombeau, elle s’étendait aussi à ses dépendances ; on les regardait comme inséparables du tombeau lui-même, et elles profitaient de ses privilèges. Sous le nom de terrain atténant au sépulcre (area cedens sepulchro), elles devenaient inaliénables comme lui. Or ces dépendances étaient souvent très considérables. La somptuosité des tombeaux était le premier luxe des gens riches. Ils aimaient à entourer le monument où ils devaient reposer d’abord d’un espace assez grand où ils faisaient construire divers édifices et qu’ils bordaient quelquefois de grands arbres. Derrière ces arbres s’étendaient des vergers, des vignes, des jardins, et souvent, derrière ces jardins, des champs cultivés. Ils avaient grand soin de marquer sur leurs épitaphes la contenance exacte du terrain, qui parfois n’allait pas à moins de trois jugères (soixante-quatorze ares), ils disaient qu’ils se le réservaient pour eux seuls, qu’ils l’exceptaient formellement de leur héritage, qu’ils ne voulaient pas qu’il fût morcelé ou vendu. Si par hasard ils y avaient fait construire un caveau, ils n’oubliaient pas cette circonstance, et nous voyons un certain nombre d’inscriptions funèbres mentionner expressément ; parmi les choses dont le mort se réserve la possession indéfinie, le monument et son hypogée, monumentum cum hypogœo.

Ces usages offraient aux chrétiens l’occasion d’acquérir le terrain nécessaire à leurs sépultures, si étendu qu’il pût être, sans causer de surprise à personne, et l’espoir de le posséder toujours sans craindre qu’il tombât entre des mains profanes. Il n’est guère douteux qu’ils n’en aient profité. On peut donc presque affirmer qu’ils se sont assuré la possession du sol supérieur ayant de construire leurs cryptes, qu’ils en ont fait, suivant l’expression consacrée, un terrain attenant au sépulcre, et que, par quelque inscription qu’on retrouvera peut-être, ils ont mis le monument et son hypogée sous la garde de la loi. M. de Rossi, en dressant le plan des divers cimetières, a fait une observation importante : il remarque que, si on les réduit à leurs élémens primitifs en faisant abstraction des travaux qui sont évidemment postérieurs, il reste seulement quelques groupes de galeries isolés entre eux, et dont chacun forme une figure géométrique régulière et de peu d’étendue. Ces limites qu’on respecte, cette gêne qu’on s’impose de creuser dans un espace étroit au lieu de s’étendre en liberté, cette régularité de formes à laquelle on s’astreint, ne s’expliquent tout à fait que si, dans ce travail souterrain, on n’a pas voulu sortir des bornes d’un champ qu’on possédait sur la terre. Chacun de ces groupes isolés est donc la reproduction exacte de ce champ. Ils représentent ces petits hy-